Monstres & Cie
J'ai jamais pu encadrer les monstres. Vraiment pas mon truc. Ça sert vraiment à rien un monstre quand on y pense, juste à vous foutre un chambard pas possible et à déféquer dans tous les coins de...
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le 20 juin 2014
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Qu’est-ce que je pourrais bien dire sur ce film ?
Tout d’abord, n’en déplaise aux puristes ou aux fans du gros monstre à écaille radioactif, mais j’avais bien aimé la version de Roland Emmerich. J’avais apprécié l’humour omniprésent, l’équipe de Français clichée de la racine des cheveux jusqu’au bout des godillots, le côté McGyver du héros qui découvre tout le curriculum de la bestiole avec un simple test de grossesse pour humains et puis finalement le fait que Godzilla 1er du nom ne soit pas le gros méchant qu’il a l’air (il est encombrant, mais, à la base, il est piscivore le machin !).
Bon, il se trouve qu’il n’y a – quasi – rien de tout ça dans ce nouvel opus des aventures du lézard titan. Ici, pas d’humour, pas de Français et pas de héros touche-à-tout. Ne reste au final que le grand géant doux comme un agneau (ou presque, mais ça ce sera pour la fin de la critique).
Pas d’humour effectivement puisque ce film se veut relativement sérieux. Le monde est en danger : des mites géantes croisées avec des poteaux télégraphiques boulottent les bombes nucléaires comme on engouffrerait des Smarties et ont pour objectif de recoloniser la planète avec un petit millier de leurs semblables (ici, la consanguinité n’est pas évoquée une seule seconde… mais c’est normal, vous le verrez plus tard). Donc, on n’est pas là pour se fendre la poire, mais pour flipper aux côtés des protagonistes. Sauf que ça ne marche pas vraiment.
Godzilla est truffé d’invraisemblances et de problèmes de faux-raccords qui donnent une impression de travail bâclé, en contradiction totale avec les superbes plans que le réalisateur offre aux spectateurs au détour d’un passage totalement tarte. Entre la femme de Bryan Cranston qui saute de l’avant à l’arrière du groupe de scientifiques en fuite selon le placement de la caméra et les canyons creusés par les mites parasites que personne n’a remarqués avant l’arrivée des héros ; sans compter l’obstination militaire à vouloir se servir de l’arme nucléaire et de joujoux haute technologie alors qu’ils savent très bien que leurs cibles se nourrissent de radioactivité et qu’elles désactivent tous les systèmes électriques. Ca, plus les mecs qui courent à travers la jungle en tenant une torpille à bout de bras, torpille qui n’accouchera que d’un pet de mouche à la fin du film (et tant mieux parce qu’il y avait des militaires à 200 mètres de là).
Vous l’aurez compris, cette épopée est suffisamment bancale pour que l’on n’ait pas une seule seconde peur de ce qui pourrait arriver aux personnages principaux. De fait, le manque d’humour pèse un peu beaucoup dans la balance.
Ensuite, pas de Français. En effet, ici, vous ne trouverez globalement que des Américains et deux-trois japonais pour la figuration (oui, même Ken Watanabe ne fait finalement que partie des figurants tellement son impact sur les actions de ses compagnons de casting est époustouflant). Les essais nucléaires dans le Pacifique, les Américains. La source d’énergie nucléaire la plus profitable aux grosses mites parasites, sur le sol américain (c’est vrai qu’au Japon, ils sont très pauvres en nucléaire… tout comme la Chine et la Russie qui sont tout de même nettement plus proches du pays du soleil levant que les Etats-Unis). Des Marines américains et des infirmières américaines dans toute leur vaillance étoilée. Même quand les avions se scratchent dans l’Hudson River, c’est beau.
Pas de héros Géo Trouvetout non plus. C’est un Marine, point. Son métier, c’est de désamorcer des bombes en moins d’une minute et c’est tout. Et d’ailleurs, c’est un point qui est souligné plusieurs fois dans le film, mais dont on se fichera au final éperdument le moment venu. Le mec s’adresse à n’importe quel gradé comme si c’était son pote de bac à sable, s’intègre à n’importe quel régiment et prend des initiatives qui mettent en danger toute l’unité sans rien dire à personne, mais ça reste un militaire bas de plafond qui tire dans le tas et discute après (enfin, si l’on veut parce qu’il n’a pas non plus des kilomètres de dialogues à son actif). De la même manière, sa femme est juste une infirmière qui n’ira pas au devant du danger pour aller secourir ses concitoyens.
Ceci étant, ça me choque moins que le traitement infligé aux seuls qui ont un cerveau dans l’histoire : Bryan Cranston (qui joue le père du héros) et Ken Watanabe (qui joue un scientifique fin connaisseur de la vie de Godzilla). Les deux martèlent des vérités à tour de bras, mais tous les autres font la sourde oreille. Ce sont les deux seuls dont les personnages sont un minimum creusés, mais l’un est éliminé rapidement et l’autre fait office de pot de fleur (et la fille qui l’accompagne joue la plante verte).
Donc, au final, il ne nous reste plus effectivement que le caractère ma foi sympathique du lézard titan qui est là, non pas pour coloniser la planète (contrairement à celui de M. Emmerich), mais pour protéger notre bonne vieille Terre contre les mites à champ électromagnétique. Concrètement, si on écoute bien M. Watanabe, nous sommes face à un duel aux proportions colossales offert par Dame Nature, avec ces parasites dévoreur de nucléaire et leur prédateur naturel, Godzilla. En effet, tous les X ans, les mites – 1 mâle ailé et 1 femelle encore plus balèze, mais à pied – sortent de leur stase pour s’accoupler et pondre des milliards d’affreuses petites mites.
Sauf que voilà, leur plan est immanquablement contrarié par l’apparition du seul et unique roi des animaux en écailles, qui vient leur maroufler la trogne avant que ces ébats ne virent à l’anéantissement de l’humanité. Et, jusqu’à maintenant, il se débrouillait très bien tout seul sans l’aide de personne, d’où l’inutilité d’évoquer une éventuelle consanguinité (à quoi bon en parler puisque toutes les mites meurent avant d’être sorties de leur œuf). A dire vrai, il gère toujours aussi bien le combat malgré cette nuée de G.I. qui s’acharnent à lui bombarder la couenne parce qu’ils ont les miquettes.
Au delà de ces considérations, le film oscille entre le franchement horrible au méchamment beau. En cela je veux dire que, autant les ennemis de Godzilla ne ressemblent à rien – ce sont juste des créatures difformes, faméliques et montées sur échasse –, autant certaines images laissent la bouche du spectateur béer (la chute des parachutistes en plan large sur la ville dévastée ou encore ces avions de chasse qui tombent du ciel). Le parti pris de faire un Godzilla trapu et d’apparence gauche pourrait en surprendre plus d’un, mais j’ai envie de dire : pourquoi pas ? Pourquoi un monstre devrait-il avoir des proportions hollywoodiennes (tout en sveltesse) alors qu’on parle tout de même d’un colosse que les essais nucléaires ont tout juste chatouillé ? De plus, il est aussi intéressant de voir que le réalisateur – loin de vouloir en mettre plein la vue des spectateurs (voir Battleship) – a fait le choix de ne montrer que brièvement, ou par fragment, sa créature. Et, quelque part, c’est dommage.
C’est dommage parce que, de fait, ça laisse plus de place aux humains qui sont ici d’une inutilité crasse (les scientifiques brassent de l’air, les militaires tirent dans tous les coins sans résultat et les autres détalent comme des lapins). Ils ne servent, dans cette œuvre, que de faire-valoir aux monstres. Cependant, leur trop important temps de présence gâche le film dont la moyenne étoilée ne peut que diminuer. D’autant plus que la musique est relativement peu remarquable, là où elle aurait pu apporter un plus non négligeable.
Conclusion : on s’ennuie. Pour un film catastrophe, c’est assez peu banal pour être souligné.
PS : au passage, le baiser de la mort façon Godzilla à Maman Mite est moyennement passé de mon côté. Trop humain comme réaction. Aucun animal – autre que les primates que nous sommes – n’aurait l’idée de faire ça à son adversaire.
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Créée
le 30 juin 2015
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