Good Boys Use Condoms
6.1
Good Boys Use Condoms

Court-métrage de Lucile Hadzihalilovic (1998)

Il est trop facile et de mauvaise foi de dire que, dès qu'un pénis prend du plaisir dans deux vagins récréatifs, la pornographie est systématiquement là sous une forme qui tue le cinéma. Dans "Good boys use condoms", la pornographie est propre à délivrer un message implacable, aussi implacable qu'il est réaliste. Pousser des cris d'orfraie comme des vierges effarouchées ou, d'une haute opinion, se montrer arrogant parce que le cinéma vaut mieux que ça et qu'il ne mériterait pas d'explorer la sexualité sous sa forme la plus prosaïque, allons allons... Toutes ses attitudes moraleuses, c'est d'une pruderie désobligeante et superficielle pour tout l'art savant présent au sein du cinéma. Les curés sont partis depuis longtemps, vous n'avez plus l'obligation de faire bonne figure... !

... Une minute, papillon ! Je n'essaie de me porter garant de la pornographie en vantant ce film. Ce film n'a rien à voir avec la pornographie. Tout comme certains films de Lars Von Trier ou de Despentes, par exemple.

Aucun artifice, aucune séduction, aucun racolage ne vient entacher l'acte sexuel pour ce qu'il est : un plaisir mécanique qui ne se préoccupe pas du spectateur.

Il reste qu'il existe une certaine dichotomie, que le propos ne va pas avec la forme. La forme est intéressante chez Hadzihalilovic car elle est plastique, singulière, géométrique, immédiatement identifiable par sa lumière légumineuse, ses cloaques qui ressemblent à ses personnages, volontairement désincarnés et sans manière. La phase pré-éjaculatoire vaut le coup d'oeil pour sa volonté de désorienter le spectateur pendant que l'orgasme point.

En revanche, cette forme correspond-elle à un sujet un peu plus "rond" ? Je ne dis pas qu'il fallait donner dans le lascif. Mais le sujet des corps se niquant la moelle m'avait paru ne pas convenir à cette boîte, à cet objet culturel et idéologique très carré (blanc ?) chez Hadzihalilovic. C'est un ressenti : est-ce que telle photo ou tel mouvement correspond au propos ? N'existe-t-il pas une certaine manière - immaturité ou ennui de terrain ? - à ne jamais faire le même plan ? Est-ce que cette forme correspond à tous les thèmes ? Autant dans "La bouche de Jean-pierre", regarder l'écran comme si je regardais tendrement un cercueil ne m'avait pas outre dérangé. Cela faisait parti de l'univers du petit Chaperon jaune. Mais ici, nous avons le poids mais pas de souplesse, de mollesse... Alors que le lit est mou, les corps sont mous, pas anguleux.

J'espère que, pour "La reine des abeilles" (2013), Hadzihalilovic va pousser le cérémonial un peu plus loin, notamment parce que ça parle de sensualité et de rites très stricts. Le projet a l'air très creux, conceptuel mais ça peut tout et ne rien donner. J'aime ce genre de projet personnellement. C'est comme... faire un moule en fonderie, le prototype d'un nouveau domaine à explorer.

Revenons à ce bon garçon récompensé comme un chiot.

C'est un bien léger reproche que moi-même je peine à formuler.
Le plus important de ce film très court est que "Good Boys Use Condoms" appartienne à cette lignée de réalisateurs qui ont réalisé des messages sanitaires. Celui qui me vient à l'esprit est "Ils attrapèrent le bac" de Dreyer.

Ce n'est quand même pas rien et il est très difficile d'émettre un cinéma propre et efficace avec des contraintes très fortes. Le contrat de l'exercice de style est rempli : ce n'est pas vulgaire, l'auteur relègue le vulgaire en le substituant par le froid d'un monde sans érotisme, des plans incisifs et inconfortables... pourtant très photographiques. Il y a aussi quelque chose d'étrange à observer deux femmes similaires échanger leur unique partenaire. J'étais trop occupé à résoudre ce mystère ! Et je m'étais dit sur le coup, "c'est un bel essai, je suis davantage intrigué que je ne prends de plaisir à regarder". C'est, par conséquent, une jolie alchimie pour un sacré challenge (chose que Sodomite(s) n'avait pas du tout réussi à faire) : montrer pour démont(r)er.

Question subsidiaire : La prévention primaire de la sécurité routière doit-elle nous montrer des accidents pour prendre conscience de leur dangerosité ? Doit-elle nous faire représenter les choses qu'elle tend à protéger ?
Andy-Capet
6
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Créée

le 19 nov. 2013

Modifiée

le 19 nov. 2013

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Andy Capet

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