Habitué des sujets portant à polémique, François Ozon se risque avec Grâce à Dieu à traiter de la pédophilie dans l'Eglise de façon crue et réaliste. Les actes commis sont détaillés par un langage graveleux et sont lourdement suggérés par des flashbacks de l'enfance des personnages. Cette minutie quasi-documentaire se retrouve également dans les décors, notamment avec l'anecdote de l'affiche de Tintin au Congo présente chez le cardinal Barbarin. L'introduction du propos se fait par une lecture de mails en voix-off, qui permet d'habiller subtilement les images de transition et de se situer dans cette affaire méconnue en-dehors de la région lyonnaise.
La pédophilie est un sujet récurrent au cinéma ces dernières années. Le point de vue adopté se situe entre Les Chatouilles, avec une histoire centrée sur les victimes, et Spotlight, par une enquête quasiment journalistique. Le clin d'oeil à ce dernier est d'ailleurs pleinement assumé par la présence d'une affiche du film lors d'une scène au commissariat.
Spécialiste des films à personnages, Fançois Ozon a voulu se pencher sur des hommes brisés. Le choix fort de présenter trois profils diamétralement opposés permet de mettre l'accent sur la reconstruction et le rôle de ces événements sur les décisions futures de ces personnages. Les acteurs n'ont pas rencontré avant le tournage leurs homologues de la vie réelle. Le résultat se rapproche d'un jeu quasi-caricatural mais permet de montrer qu'il n'y a pas un profil type des victimes de pédophilie.
La photographie évolue à chaque chapitre, partant des ténèbres vers la lumière pour souligner l'acception et la rédemption des personnages. La réalisation offre de nombreux plans séquences qui viennent casser le rythme et tendent plus vers le thriller que vers le drame.
La culte religieux tient évidemment un rôle essentiel dans ce film. L'omniprésence des symboles, notamment l'utilisation de nombreuses bougies, vise à sacraliser l'action menée par cette association. Le prête, véritable dieu aux yeux de ces personnages, perd de sa majestuosité au fil des minutes. François Ozon ne cherche pas qu'à alerter sur un sujet sensible au sein de l'Eglise, mais propose également une remise en question de la foi. De ses personnages bien sûr, mais aussi du spectateur. L'objectif est également de montrer l'inaction, par choix ou par contraintes, des plus hautes instances religieuses. Aucun parti n'est pris au niveau de la réalisation, chaque spectateur pouvant se faire son propre avis sur les véritables coupables.
Le film tire parfois en longueur. Certaines scènes, notamment les différentes confrontations avec les parents, sont, bien que nécessaires, redondantes et alourdissent un récit déjà complexe.
François Ozon ose et propose probablement l'un des meilleurs films français à venir pour cette année 2019.