On ne peut sortir de Grâce à Dieu que convaincu par l’impeccable travail documentaire que des comédiens au sommet de leur art incarnent avec maestria. C’est dire que, sur le plan réaliste, le film relève haut la main son ambition initiale : mettre en scène la parole meurtrie, plongée dans l’obscurité pendant des décennies puis subitement restaurée. Et la place de la lumière est centrale ici : une lanterne dans la nuit, des vitraux aux multiples couleurs, une rupture initiale entre un fond noir sur lequel glissent les titres et la consécration religieuse dans une ambiance nacrée. Et là se ressent une rupture. Une rupture entre la sensibilité d’un cinéaste brillant doté d’une âme romanesque, voire romantique, et le refus de ce même romanesque, qui donne l’impression de voir l’artiste se contenir sans cesse. Muselé par le caractère brûlant de son sujet, Ozon reproduit – mais en mieux – l’esthétique captée sur le vif d’un 120 Battements par minute ; le souci, c’est de conjuguer ce réalisme omniprésent avec un lyrisme de l’effroi lorsque, dans des séquences en flash-back, le spectateur assiste aux perversions du prêtre. La construction s’avère souvent trop mécanique, et ne s’emboîte qu’imparfaitement. Jamais le film n’ose restaurer la lumière par le biais du vitrail, capte le jour depuis un extérieur froid et désordonné qui traduit à la perfection la lutte réelle et réaliste d’hommes et de femmes blessés au plus profond de leur être. L’agitation de la foi, la frénésie de la passion percent çà et là mais s’évaporent trop souvent dans le souci de se montrer irréprochable et religieusement correct. Demeure une œuvre forte et passionnante, un engagement citoyen qui fera date dans l’Histoire et qui confirme, si besoin, la maturité de son cinéaste.