Relatant des faits réels tout en demeurant une fiction, Grâce à Dieu est assurément un film coup de poing, aussi important que dur à appréhender.
Parmi les sujets compliqués à mettre en scène, celui de la pédophilie dans l'église se hisse aisément en haut de la liste. Faire un film qui met en lumière ce que l'une des plus grandes institutions mondiales tente tant bien que mal de cacher, c'est s'attirer les foudres des croyants et des non-croyants, comme en témoignent les dernières semaines qui ont précédé la sortie de Grâce à Dieu. Mais heureusement la justice n'a pas cédé et François Ozon a finalement pu sortir son film, et cela sans faire trop de concessions.
Le long-métrage est sec, amer et froid, il relate le parcours d'âmes brisées dans leurs chairs, celles d'enfants devenus des adultes malgré les souffrances subies plus jeunes. S'il y a bien un point sur lequel le film peut se vanter d'être parfaitement dans les clous, c'est dans la représentation qu'il fait des victimes de viols et d'actes pédophiles. Tous sont des hommes brisés, dans un sorte de torpeur insidieuse, et ils sont surtout nombreux dans le même cas. Pourtant jamais le film ne prendra le parti de vouloir démonter l'église à tout prix, bien au contraire. Si le discours tend à rappeler qu'il s'agit d'une institution trop vieillissante, qui peine à se moderniser pour le bien de tous, notamment dans le choix des sermons, c'est flagrant lors des séquences d'interrogatoires d'ailleurs, les mots choisis par le cardinal Barbarin sont d'un autre temps, d'un dogme qu'il faudrait revoir. Certes il ne s'agit-là que d'un film et de répliques écrites, mais cela n'en demeure pas moins un témoignage, un représentation de la réalité.
Grâce à Dieu ne met pas à mal l'église ou la foi, il tend simplement à montrer que rien n'est excusable d'une part et de l'autre qu'un vieux système doit être renouvelé. En cela le film s'en sort parfaitement, les dialogues sont notamment parfaits, tout est très naturel et le casting s'y emploie. Notamment Melvil Poupaud qui est impeccable dans son rôle, mais aussi Swann Arlaud touchant et sur la brèche constamment dans la composition de son personnage. Mais en ce qui me concerne c'est Denis Ménochet qui m'impressionne, cette masse brute et monstrueusement charismatique. Quel acteur ! Par moment il fait penser à Jean Gabin, pas dans le dialogue mais plus dans la prestance et la posture. Ménochet a du talent et c'est indéniable, il était déjà très convaincant et même inquiétant pour le coup, dans Jusqu'à la garde de Xavier Legrand.
Grâce à Dieu est l'un de ces films "coup de poing" qui sont aussi importants que durs à voir, néanmoins le casting et la réalisation, cette dernière sans être exceptionnelle mais parfaitement adaptée, confèrent au film une vraie singularité, une ambiance particulière. Un côté glaçant car très vrai. A découvrir mais pas sans s'y être préparé.