L’esthétique à vide
Gretel & Hansel cristallise à lui seul la beauté figée et inerte de ce sillon du cinéma d’épouvante notamment creusé par Ari Aster, qui évacue tout désir, toute sensibilité, toute humanité pour...
le 11 avr. 2020
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Gretel & Hansel cristallise à lui seul la beauté figée et inerte de ce sillon du cinéma d’épouvante notamment creusé par Ari Aster, qui évacue tout désir, toute sensibilité, toute humanité pour ne conserver que l’enveloppe esthétique, somme de mouvements mécaniques que la mise en scène s’efforce d’iconiser à grands coups de lumières colorées et de plans cadrés. C’est le pan géométrique du cinéma d’épouvante, son pan le plus impersonnel, en ce sens où il efface les traces susceptibles de le raccorder à la personne pour ne flatter que l’esprit – si tant est qu’il réfléchisse. Car la grande limite d’une telle approche, c’est de prendre en otage le spectateur en le perdant dans une forêt non pas de signes (à déchiffrer selon sa personne) mais de symboles, de codes que le réalisateur sème à droite à gauche pour donner l’illusion d’une profondeur.
Et le long métrage d’Osgood Perkins n’échappe guère à cette artificialité congénitale, pour ne pas dire bêtise : il se trahit par un goût prononcé pour la voix off moralisatrice qui déclame des vérités pseudo-philosophiques décalquées sur les sacs de courses vendus dans les magasins – « suis ton chemin, toi seul(e) en es capable », « tout pouvoir dépend ce que tu en fais » –, sentences à deux balles qui ramènent cette boursouflure contemplative à son point de départ. Non que le travail de l’image laisse à désirer ; au contraire, les plans sont soigneusement composés. Mais à quoi bon construire une ambiance mystique si ce n’est pas pour porter un mystère, pour descendre dans les profondeurs de l’humain, dans son besoin de créer des fictions dans lesquelles vivre ? L’angle d’approche féministe, martelé pendant une heure et demie, se cantonne néanmoins à la première ligne de la thèse défendue par Jules Michelet dans La Sorcière (1862) : que les sorcières sont en réalité des femmes victimes d’une société religieuse fanatique qui, en les persécutant, assoie son pouvoir de domination. Le réalisateur actualise la chose en écartant le contexte religieux – erreur – pour ne taper que sur les méchants hommes et leur patriarcat. Méchants, méchants hommes. Bouffons-les pour nous venger.
Sans effrayer ni intriguer, Gretel & Hansel suit une trajectoire linéaire aussi esthétiquement belle que terriblement vide. Mieux vaut revoir Hansel et Gretel : Witch Hunters (Tommy Wirkola, 2013) : au moins, on s’amuse.
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le 11 avr. 2020
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