Alors qu'elle a abandonné ses activités sportives pour se consacrer pleinement à ses vidéos ASMR, Asha voit soudain sa vie de néo-influenceuse bouleversée par un mystérieux challenge où la figure de Grimcutty semble imposer des défis dangereux aux jeunes de son lycée. Se croyant à l'abri, l'adolescente est pourtant très bientôt confrontée directement à Grimcutty, un phénomène que rien ne paraît pouvoir arrêter...
À l'idée d'assister à un "Slender Man" bis en tant que long-métrage, le spectateur ne peut que s'identifier à ces jeunes tout à coup pris d'une folle envie de s'automutiler devant une nouvelle créature surnaturelle ayant fait ses armes grâce à Internet. Heureusement, sans pour autant parler de vraie réussite, "Grimcutty" repose tout de même sur des intentions un peu moins bêtes et vides que son collègue et sa silhouette anorexique de 2018, déjà oubliés dans les limbes du pire de ce que cinéma d'épouvante contemporain à offrir.
L'addiction aux réseaux sociaux & nouvelles technologies, les effets de mode de challenges aussi dangereux que stupides ou encore l'image parfois détournée de la réalité renvoyée par certains via le virtuel... "Grimcutty" se pare évidemment des thématiques récurrentes d'une telle intrigue pour dénoncer les pires dérives qui rampent derrière le confort moderne de nos sociétés. Néanmoins, le film de John Ross a la bonne idée de les mêler à un problème vieux comme le monde: la rupture que l'on observe parfois d'une génération à une autre et, surtout, ses conséquences ici poussées sous toutes ses formes vis-à-vis du lien parent/enfant. Même si le film essaie de nous en détourner dans un premier temps, nos regards se dirigent vite sur les rapports déséquilibrés de sa famille héroïne où l'éventail de maux étouffés que peut y représenter la pression parentale (le stress, des envies inconscientes de vivre par procuration, la surprotection, un manque de communication, etc) se mue en véritable incompréhension paranoïaque entre adulte et enfant dès lors que la menace apparaît en première ligne. À travers le Grimcutty et sa lame tranchante que seules ses jeunes victimes parviennent à voir, c'est en effet toute la violence de ces comportements abusifs (volontaires ou non) qui lacère la population adolescente.
Outre son concept en lui-même qui permet d'évoquer bon nombre de situations favorisant la rupture entre ces deux "mondes", "Grimcutty" se permet aussi -plutôt intelligemment d'ailleurs- d'en élargir le spectre à des éléments disséminés sur la route chargée de nous éclairer sur sa créature et son mode de fonctionnement, comme par exemple son point d'origine, parfaite extrémité dont la monstruosité s'est dissimulée sous un apparat de perfection virtuelle en vue de se propager, ou le temps d'un ultime affrontement mettant un de ces protagonistes désemparé face à la démesure de ses propres agissements.
Bref, sur sa teneur, vous l'aurez compris, "Grimcutty" n'est pas si bête qu'il en a l'air et se montre même plutôt malin pour intégrer les finalités de son propos à son concept. Par contre, là où le film marque le pas, c'est au niveau de son exécution et de son déroulement hélas trop limités.
Ainsi, malgré quelques apparitions plutôt efficaces en début de parcours (et l'intention plutôt louable d'en faire une créature au rendu "palpable"), la réalisation sans grand génie du film va peu à peu rendre Grimcutty et sa silhouette incongrue finalement assez banals à cause d'un temps de présence trop important à l'écran, issu du fait qu'il soit vu comme une émanation surnaturelle insaisissable et bonne à apparaître n'importe où/n'importe quand jusqu'à entraîner plus de lassitude que de frissons. De même, on ne pourra pas dire que "Grimcutty" nous laissera une grande impression en termes d'ambiance ou du rendu voulu de la montée en puissance de ses manifestations sur la durée, tout comme la progression de son récit se résumera essentiellement aux étapes de l'enquête (classiquement) menée par Asha, elles-mêmes invariablement parasitées soit par un coup de couteau inconséquent du Grimcutty soit par une intervention parentale, avant une dernière partie nous dévoilant des choses que l'on avait comprises bien avant les personnages.
Trop ordinaire sur ces points, "Grimcutty" aurait donc gagné à avoir une forme plus imaginative afin de mettre en valeur son discours de fond pour une fois plutôt habilement mis au service de sa créature. Dans tous les cas, on vous le confirme une nouvelle fois, l'ami Grimcutty gagne bien plus à être connu pour ce qu'il a à proposer que son maigrichon d'aîné Slender Man.