C'est un film dingue. Documentaire de (et commenté par) Werner Herzog sur un personnage excentrique, Timothy Treadwell, qui a vécu treize étés auprès des ours dans une réserve d'Alaska et a filmé - les cinq dernières années - les bêtes dans leur milieu naturel. 100 heures de films en tout, qui capturent des moments de nature comme aucun autre cinéaste ne peut le faire. Malheureusement, sa fin est tragique : alors que T. Treadwell se battait pour la protection des grizzlies, il finira dévoré par l'un d'eux, ainsi que sa copine, en 2003. C'est l'ironie du sort qui traverse tout le film.
Le portrait que dresse Herzog de cet écologiste un peu timbré, mêlant témoignages de proches et images d'ours capturées par Treadwell lui-même, est un mélange unique de belles images, de détails parfois effrayants (sur sa mort), d'autres plus amusants (sur son humanisation des bêtes), mais le tout est surtout très touchant. Très vite on se prend d'affection pour ce hippie maniaque des ours, qui se met en scène aux côtés de ceux qu'il appelle "ses amis", à qui il donne de petits noms (comme "Mr Chocolate"), et pour lesquels il montre une affection et un amour complètement irrationnel. Car là est toute l'absurdité de la situation, bien cernée par Herzog : son absence de réciprocité. La nature ne lui rend pas cet amour. La nature s'en fout de Timothy Treadwell, elle est indifférente, mais ce personnage y projette ses émotions et ses rêves, plus que ça, il y consacre sa vie en pensant faire le bien.
Rapidement Herzog rend sa propre fascination pour Treadwell contagieuse. Parce que ce protecteur improvisé a saisi, avec sa caméra, des images d'une beauté saisissante. La nature à son état le plus brut, sauvage, spontané. Ce qui est amusant c'est que le personnage reconnaît le danger qui règne en ces lieux tout en étant convaincu de l'harmonie paisible de ce monde. Il fait preuve d'une certaine innocence - où d'une envie de le devenir - lorsqu'il tente de renouer avec cette nature, loin de toute civilisation. Sa sensibilité en fait un personnage profondément humain qui en 100h à se filmer seul avec une caméra trouve le temps de se raconter, se questionner.
Herzog se met lui aussi en scène et raconte le tout avec une sincérité rare dans ce type de projet, sans hésiter à prendre parti, donner son point de vue. Il donne de lui-même. L'angle adopté est donc plus intéressant qu'un docu lambda et en fait un objet filmique atypique, intéressant à plus d'un titre.
Notons, pour finir, une bande son folk rock aux petits oignons qui s'allie efficacement aux grands espaces filmés.