Les Heimatfilm sont un genre cinématographique typiquement allemand, né dans les années 1920. Histoires du terroir, mêlant des intrigues amoureuses , les conflits de génération et les rivalités du quotidien, mettant en scène des gens simples et se déroulant dans la société rurale. Le genre connaît une forte expansion aux lendemains de la seconde guerre mondiale et ses films sont les premiers à être autorisés par la censure des alliés occupant le pays. Films-refuges pour une population qui avait besoin de fuir l'image des villes réduites à l'état de décombres et pouvait ainsi retrouver un pays intact pour quelques instants, le temps d'une séance de cinéma. La majorité de ces films ont été tournés en Bavière et en Forêt Noire relativement épargnée par les bombardements alliés.


L'industrie cinématographique allemande fait tourner quelques dizaines de films de ce genre jusque dans les années 60, essentiellement à destination du public germanophone d'Allemagne, d'Autriche et de la Suisse alémanique. Les scénarii des Heimatfilm, les intrigues, les personnages et les décors se ressemblent étrangement. J'ai eu le bonheur d'en voir quelques dizaines au temps de ma jeunesse folle, les trouver en DVD aujourd'hui relève de l'exploit ou de la magie.


Je vous propose un scénario de mon cru que je vous invite à modifier à l'infini selon votre humeur de l'instant, votre fantaisie ou votre imagination.


Lisel avait 22 ans, elle était blonde comme les blés et ses yeux d'azur mettaient en émoi tous les jeunes gens du village. Elle était la prunelle des yeux de sa mère et la joie sans mesure de son père.


Georg, à peine un peu plus âgé qu'elle, était le fils unique du plus aisé des fermiers de l'endroit et il était prévu qu'il prenne un jour la suite du père à la tête du Hornhof où la famille élevait un troupeau d'une belle cinquantaine de laitières bernoises. Georg était un robuste gaillard qui n'avait pas peur du travail, mais qui savait également goûter aux plaisirs sains de la vie.


Le dimanche après-midi, il aimait rire et partager une chopine de bonne bière de Bavière avec les garçons de son âge, et quand l'heure était venue, se retrouver au bal champêtre où les villageois enchaînaient valse sur valse dans la plus joyeuse des humeurs. C'est au bal champêtre de la fin du mois de mai après les fêtes de Pâques et de l'Ascension que Lisel et Georg s'étaient revus. Il se souvenait d'elle, petite fille espiègle avec des robes à fleurs et ses nattes qui battaient les épaules. Elle était devenue une belle jeune fille.


Lisel était d'abord partie étudier la dactylographie au bourg voisin et elle ne rentrait que le samedi soir pour repartir dès le lundi matin. Toute la semaine, elle dormait chez sa tante et marraine Maria, ce qui lui évitait du chemin. Puis elle était partie travailler au même bourg à l'étude de maître Kunz, le notaire du lieu. Maître Kunz avait pris la succession de son propre père après sa démobilisation. Ancien sous-officier de la Wehrmacht, décoré de la croix de guerre, il avait eu sous ses ordres le père de Lise à qui un éclat d'obus avait arraché un bras.


Quand Georg avait vu Lisel et sa sœur aînée tournoyer sur le plancher de danse en riant aux éclats, il avait immédiatement su. Su que c'était elle, que ce serait elle et qu'il ne pourrait en être autrement. De tout l'après midi, il ne l'avait pas quittée des yeux, mais il n'avait pas osé l'inviter à valser pour la simple raison qu'il ne savait pas danser. Mais ce n'avait pas été la seule raison.


Son vieux compère Kurt, à qui l'émoi de son ami n'avait pas échappé, lui avait fait comprendre que la jolie danseuse était la fille du préposé à la distribution du courrier, qu'elle était presque devenue une fille de la ville et qu'il était peu probable que son fermier de père voit d'un œil favorable ce qui serait pour lui une mésalliance.


L'insistance du regard de Georg n'avait pas échappé à Lisel, mais elle savait qu'il ne l'inviterait pas à danser au vu et au su de tous sans y avoir été autorisé par son père. Les mouvements de tête, les regards en coin et les murmures à l'oreille des quatre vieilles assises tout près de la piste ne lui avaient pas échappé. Elles n'étaient pas là pour danser, ni regarder danser, elles étaient là pour guetter, surveiller et alimenter leur moulin à commérages.


Ce jour-là, Georg plantait des piquets en bois de hêtre pour clôturer un pré au bord de la route qui menait à Penzberg pour en faire un pâturage. Tous les matins et tous les soirs, Lisel empruntait cette route sur le Vélosolex français que son père lui avait offert. Quand Lisel a reconnu Georg, elle s'est arrêtée à sa hauteur pour échanger quelques mots. A partir de ce jour, Georg est allé vérifier tous les jours l'état de sa clôture, avec une préférence pour la fin de journée quand Lisel revenait du travail et avait un peu de temps devant elle. Jamais clôture n' a été aussi bien surveillée et mieux entretenue.


Georg aide alors Lisel à cacher son vélo derrière un bouquet de noisetiers et ensemble, la main dans la main, ils vont s'asseoir au bord de la rivière qui coule non loin de là. Quelques baisers sont échangés parfois, mais la marguerite, remplacée par une pâquerette des prés, n'est effeuillée qu'au sens propre du terme : je t'aime, beaucoup, passionnément, à la folie. Parfois, Georg cueille un bouton d'or et propose à Lisel de vérifier si elle aime toujours le beurre. Il place alors la corolle de la fleur sous son menton et quand le jaune de la fleur se reflète sur sa peau claire, c'est qu'elle aime toujours le beurre, alors tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. La buttercup des anglais ou la Butterblum des allemands sont la fleur préférée des amoureux, qui pour mieux voir le reflet jaune pâle sur le menton de l'amoureuse, devaient approcher leur visage et avaient ainsi une bonne raison de laisser leurs lèvres s'effleurer.


Les semaines passent, l'été prend fin, les jours raccourcissent et les premiers frimas de l'automne bavarois se font sentir. La clôture elle-même tiendra bien jusqu'au printemps. Alors Georg et Lise comprirent que s'ils voulaient continuer à se voir, le moment était venu que leur amour sorte de sa clandestinité.


C'est Georg qui le premier parla à son père. Quand celui-ci apprit que son fils voulait ramener une fille sans bien, de surcroît presque citadine, il ne lui répondit pas. Georg insista, mais le père tenait bon. Que savait cette fille des travaux de la ferme avec ses escarpins et ses endimanchements ? Serait-elle seulement une mère possible avec ses hanches étroites et son air mal nourri ? Georg fut attristé de cette réaction du père, mais sa mère qui ne disait rien jusque là lui fit signe de ne pas insister. Les choses finiront bien par s'arranger, elle y veillera.


Quand Lisel apprit la réaction du père de Georg, elle en fut malheureuse, désespérée même. Elle s'enferma dans sa chambre et pleura une journée entière refusant de se nourrir. Elle était inconsolable et maigrissait à vue d'oeil. Sa cousine Giséla nous a même confié que Lisel avait envisagé de se retirer et faire ses voeux chez le soeurs. De son côté Georg n'adressait plus la parole à son père, avalait son repas à toute allure et quittait la table au plus tôt.


L'histoire s'arrangea par un bel après-midi de décembre. Il avait neigé toute la nuit et jusque tard dans la matinée. Elle recouvrait de son blanc linceul les toitures de la ferme et les prés avoisinants......


Lise et Georg se marièrent, eurent de beaux enfants et le Hornhof prospéra. Le vieux fermier aimait quand le dimanche Lisel faisait son délicieux goulash hongrois dont elle tenait la recette de tante Maria.


Je donnerai à mon film le titre **Wenn die Weide blüht* autrement dit Quand le pâturage est en fleurs

Freddy-Klein
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le 26 avr. 2020

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