Pépite non déclarée
Film souvent décrié d'un réalisateur pourtant très apprécié. Il faut dire que le film est une œuvre internationale, et elles sont généralement plutôt loupées. Le film s'éloigne aussi pas mal des...
le 22 févr. 2021
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Film souvent décrié d'un réalisateur pourtant très apprécié.
Il faut dire que le film est une œuvre internationale, et elles sont généralement plutôt loupées.
Le film s'éloigne aussi pas mal des habitudes de Lam mais aussi du patrimoine Hong-Kongais.
Mais tout ça pour le meilleur, car ce Guerre de l'Ombre s'avère être un très bon film.
Commençons par son principal faux-défaut, le côté international.
Je comprends que le mot en lui même puisse rebuter.
Qui dit film international dit presque systématiquement un anglais omniprésent quitte à causer de nombreuses incohérences, afin d'être accessible pour le plus grand nombre.
Mais aussi une mise en scène assez épurée, voir simpliste, car tous les pays n'ont pas la même liberté créative.
Et surtout un direction d'acteur très déstabilisante, car on ne joue pas de la même façon en Asie qu'en Occident.
Tous ces problèmes empêchent le spectateur d'être clairement impliqué dans le récit, rendant le visionnage éprouvant.
Ici, il n'en est rien.
Lam ne tombe jamais dans le piège de la langue, et n'hésite pas à faire parler ses personnages en polonais, en anglais, en cantonais...en fonction du lieu ainsi que de leur racine.
Entre eux, les Hong Kongais parlent cantonais et les américains en anglais.
Ça peut paraître tout bête, mais peu de films le font !
D'autant que ça ne tient pas de quelques dialogues isolés. Il doit y avoir 45% de cantonais pour 50% d'anglais, et 5% d'autres langues.
Pour la mise en scène, absolument rien à redire. C'est du Lam tout craché. C'est leché, réaliste et implacable.
La caméra n'hésite pas à bouger, à changer d'angle et de plan. On est clairement dans un film d'un maître du cinéma, et ça se ressent.
Le propos est international, mais la caméra est clairement Hong Kongaise.
Pour la direction des acteurs en revanche... C'est mitigé.
Naturellement les Hong-Kongais sont impeccables.
Les américains le sont aussi, à quelques toutes petites exceptions près.
A vrai dire tout le monde est plutôt bon.
Excepté le méchant, totalement en roue libre.
Il est évident que ce gars s'est pris pour un prince, parce qu'il a joué dans Mad Max, un film ultra culte.
Donc il a imposé son jeu de méchant de James Bond, et il en fait des caisses. C'est dommage, parce que le personnage aurait être intéressant sans ce cobotinage...
L'écriture des personnages est une réussite en revanche.
Mis à part ce méchant assez caricatural ça va de soi.
Danny Lee en flic tête brûlée, classique. Mais vis à vis de la dimension internationale, il devient une représentation de la police Hong-Kongaise, efficace et investie, mais jamais dénué d'une certaine fougue.
Et face à lui se trouve l'incarnation de la police à l'américaine. Tout aussi tête à claques, mais plus expéditive. Plus nerveuse, et insolente.
Un "cliché" que le réalisateur prend plaisir à malmener, notamment dans cette scène bien pensée où on le compare à Rambo, ce à quoi il répond avec innocence qu'il ne sait pas qui c'est.
La confrontation entre les 2 personnages et évidente, mais ici encore Lam ne tombe jamais dans la facilité.
Les 2 flics se détestent au début, mais ne deviennent pas meilleurs amis du jour au lendemain.
L'acceptation vient lentement, et les confrontations sont réelles, et pas juste des petites taquineries adolescentes.
Le but est le même, mais les méthodes sont différentes.
Un schéma classique, mais qui est développé avec beaucoup de maîtrise. Suffisamment pour ne jamais sembler convenu.
L'évolution se fait tout en finesse, les personnages se développent et gagnent en profondeur.
Je regrette tout de même que le personnage de Rosamund Kwan soit aussi peu présent. Elle semble presque anecdotique par moment. Mais c'est un chipotage, car elle a une réelle importance dans le récit.
A vrai dire, elle fait office de représentation des médias.
Hong Kong étant un pays libre, il se permet de jouir et de scander ses libertés.
Notamment la liberté d'expression.
Une liberté légitime et indiscutable, mais qui est assez chamboulé dans le film.
En effet, cette liberté dans l'excès peut conduire à certaines situations délicates que la police souhaite éviter.
Dans ces situations, la police se place en méchant censeur, pour toutes les bonnes raisons du monde.
Et on sent bien que le film questionne cette liberté, afin de nous en présenter ses limites et ses contradictions.
Ainsi donc, les censeurs deviennent des protecteurs, tandis que la journaliste bornée devient un perturbateur incendiaire pour un idéal paradoxalement capable du pire chaos.
L'information est une arme. Instable et destructrice.
D'ailleurs, ce discours sur l'information est réutilisé en toute fin de film. D'une manière là aussi discutable, mais permettant un final parfait.
Un constat de contre-propagande, mêlé à une action bien réel.
Les fusillades sont partout, dans tous les pays. Et les explosions qui vont avec saccagent le moindre paysage.
L'action y est retranscrit avec un réalisme sec.
Comme d'habitude avec Lam, chaque mort est impactancte, montrée avec cruauté et désespoir.
Même les civils, qui sont les premiers à subir les assauts terroristes, sont clairement filmés.
Les mères, les enfants, les passants, les employés de toutes sortes..
Ringo Lam ne fait aucune concession, et dans la jubilation de scène de fusillade absolument grandioses et magistralement mis en scènes, les morts affluent.
La mort est omniprésente. Jamais libératrice, jamais punitive, toujours injuste et immorale.
Évidemment, dans cette noirceur on a droit à des trahisons, de la vengeance, du mépris, de la peur aussi.
Tout ça créant une ambiance vraiment exemplaire de conflit trop grand pour qui que ce soit. Qui causera un chaos énorme. Et dont personne ne pourrait s'en échapper entièrement.
Une ambiance folle donc.
Plutôt calée sur le terrorisme et la façon de s'en défaire, plutôt que sur le thème des guerres froides comme beaucoup l'ont dit.
Je pense qu'ils ont mal compris le titre.
Le "undeclared war" signifie plutôt "guerre qu'on ne veut pas signaler afin de ne pas créer une panique générale", plutôt que "guerre qui ne s'avoue pas afin de jouer la diplomatie".
Cette guerre ci n'a rien de diplomatique.
Elle ne suit aucune règle, si ce n'est la morale de chacun.
Les propos sont très intelligents, et pertinemment mis en scène.
Les confrontations entre les différentes polices des pays, les organismes qui souhaitent soigner leur image avant tout, les priorités financières...offrent au film un côté politique très crédible et donc parfaitement prenant, sans aucune lourdeur.
Ainsi donc, même si l'intrigue semble déjà vu, les propos et la façon dont ils sont abordés suffisent à rendre le film bien plus palpable et cohérent que les autres du genre.
Un parfait combo d'action et de politique. Un mélange étonnant mais parfaitement homogène et captivant.
Le seul gros problème du film est son antagoniste en réalité...
Un méchant un peu plat, qui se la joue caméléon avec des déguisements grotesques.
Le film arrive à jouer avec certains clichés, et à en utiliser avec suffisamment de justesse pour être crédible. Mais pas ici.
L'acteur surjoue et, paradoxalement, ne semble absolument pas impliqué.
A l'image de cette scène ridicule où il tue une femme en l'étranglant, alors qu'on voit clairement qu'il n'y met aucune force. Il n'essaye même pas de faire semblant de serrer, et on ne ressent aucun force, aucune tension.
Un acteur qui en a sûrement fait qu'à sa tête en imaginant être la star du film. Au final il en est la tare.
Autre petit défaut assez gênant, son propos clairement pro-américain.
Les terroristes sont contre le capitalisme, pourtant le capitalisme c'est bien, libérateur et profondément humain.
Les idéologies des terroristes auraient pu être plus approfondies, afin qu'on y voit autre chose qu'une simple révolte anti-communiste.
Hong-Kong ne souhaitant pas cracher dans la soupe, il est normal qu'il soutienne le capitalisme (d'autant qu'il ne pourra plus en parler post 97), mais cette glorification du système aurait pu être plus subtile..
A part ça, le film est vraiment une réussite.
Parfois un peu cliché, mais on accepte sans difficulté ces quelques facilités scénaristes sur le moment.
Un film qui assume sa violence ainsi que ses propos un peu délicats.
Précisons d'ailleurs que le film aurait pu être terriblement censuré, mais qui a réussi à éviter ce contrôle de part son engagement international (quand il y a plusieurs langues et plusieurs pays, on considère que son pays prend aussi cher que tous les autres, et on ne veut pas être les seuls à râler).
Un film sans concession, comme seul son réalisateur sait en faire, et très clairement un immanquable de sa filmographie.
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le 22 févr. 2021
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