Hamlet
5.4
Hamlet

Film de Michael Almereyda (2000)

En 2000, un type obscur du nom de Michael Almereyda, dont la filmographie suffit à remplir le bac à solde d’un vidéoclub de l’Iowa, se met en tête de livrer sa version d’Hamlet. Parce qu’il n’y a pas de raison, déjà, parce que c’est un projet qui a fait ses preuves depuis un certain nombre de siècles, que même Schwarzenegger et Johnny Hallyday se sont frottés au mythe, et que quatre ans plus tôt, un tâcheron australien a cartonné en lançant la carrière d’un minet dans une adaptation de Roméo & Juliette. Donc, bon, les arguments se posent là où je m’appelle pas Michael. Qu’il s’est probablement dit.


Et donc, comme il a pas trop d’idées (oui, il a quand même fait un film dont le pitch est Nadja, fille du comte Dracula, vit à New-York, et un autre qui est tellement célèbre qu’il n’a PAS DE PITCH sur SC, mais dont la seule affiche suffit à vendre du rêve, et qui s’appelle Twister, mais en 1990, donc pas celui de Jan de Bont en 1996, qui lui a son pitch, ce qui peut laisser penser qu’il est encore pire), il se dit qu’il va reprendre la même recette que l’australien, à savoir : le texte de Shakespeare, c’est toujours ça de gagné en écriture, et une délocalisation à New York (où, donc, y’a déjà la fille de Dracula qui se ballade) en 2000, parce que ça a de la gueule, tous les chiffres ont changé, et le futur, c’est maintenant coco.


Après, Michael a ouvert un tableur Excel et fait un tableau à deux colonnes : dans la première, il a écrit Shackspear (oui, bon, c’est dur à retenir, et c’était un document de toute façon), et dans la deuxième, il a écrit 2000, parce que, faut tout vous répéter et c’est un peu chiant, ça a de la gueule.
Ensuite, il a rempli en se demandant comment il allait rendre tout Hamlet 2000. Et il s’est bien amusé. Il a rajouté des clopes pour Horatio, des flingues, et a maculé de sang un peu tout le monde et explosé la cervelle de Polonius : si c’est pas du 2000, ça. Ensuite, il a réfléchi. Un peu. Et il s’est rendu compte qu’en 2000, le Royaume, c’est les Compagnie Internationales (bien vu), et donc la pourriture du Danemark, ce sera celle d’une firme dans un gratte-ciel avec piscine au 38ème étage, avec des limousines et des bureaux classieux, et le navire avec son capitaine deviendra un avion, logique. Et donc, la folie d’Hamlet, fils blindé mais tourmenté, ce sera de mettre un bonnet péruvien et des lunettes jaunes, et de faire genre en jouant sur Windows 95 à faire du montage avec des roses qui s’épanouissent au ralenti, pour réaliser une mixtape qui révélera le forfait commis par son oncle. A partir de là, tout a été assez simple, parce que Michael a compris que 2000, c’est la modernité, et que la modernité, c’est la tech, et donc il a mis des fax, des téléphones, des caméscopes, des micros sur Ophélie, et transformé le duel à l’épée en compétition d’escrime avec des touches qui s’affichent sur un écran digital, et il était pas peu fier de sa trouvaille. Pour le cast, il a pris une fille qui ressemble à Claire Danes, la mère de Juliette de chez l’australien pour refaire la mère d’Hamlet, et le pote du mec qui se suicidait parce qu’il pouvait pas faire du théâtre dans Le Cercle des Poètes disparus, revanche sur la vie, quand tu nous tiens. Il lui a demandé d’apprendre son texte et de se faire pousser les cheveux, et de réciter To be or not to be dans un vidéo-club au rayon action, avec des explosions cathodiques derrière lui, et il a torché le tout en 1h50. Pour le crâne, il savait pas trop comment faire, alors il a simplement filmé une télé qui diffusait les images d’un type qui l’avait déjà fait, et il a rajouté des images de James Dean, parce qu’il l’aime bien et qu’il l’aurait bien vu dans son film atemporel et universel.


Après, c’était terminé : le film est sorti, un pote de lui a fait une phrase pour mettre sur l’affiche ("A knockout…you will be dazzled !") et puis bizarrement, on est passé en 2001 et tout le monde l’a oublié. C’est un peu chiant, la modernité, ça dure jamais longtemps. Comment il a fait, Shakespeare, déjà ?

Créée

le 19 mars 2021

Critique lue 304 fois

13 j'aime

6 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 304 fois

13
6

D'autres avis sur Hamlet

Hamlet
Sergent_Pepper
3

Cas 2000

En 2000, un type obscur du nom de Michael Almereyda, dont la filmographie suffit à remplir le bac à solde d’un vidéoclub de l’Iowa, se met en tête de livrer sa version d’Hamlet. Parce qu’il n’y a pas...

le 19 mars 2021

13 j'aime

6

Hamlet
Fatpooper
6

La gloire de mon père

Cette adaptation est plutôt intéressante. Comme c'est le cas lorsqu'on joue la pièce au théâtre, l'auteur se permet ici de choisir les scènes qu'il préfère, de réarranger un peu l'histoire. Les...

le 12 juin 2015

3 j'aime

Hamlet
SPlissken
3

Critique de Hamlet par SPlissken

On ne fait pas d'Hamlet sans casser les oeufs et dans le genre casse noix ce film est un must !

le 22 oct. 2010

3 j'aime

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

773 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

714 j'aime

54

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

616 j'aime

53