Dans la lignée de American Beauty mais beaucoup plus atypique et original encore, voici une vraie œuvre forte de ce cinéma indépendant américain auquel Todd Solondz ne cessera d’appartenir quel que soit son succès dans les salles. C’est une fois encore une critique sans complaisance de l’American Way of Life à travers les vies de ces trois sœurs si dissemblables et finalement réunies autour de la même table après bien des expériences douloureuses. À noter que Solondz prend toujours comme cadre d’étude le New Jersey, banlieue résidentielle de la middle-class new-yorkaise dont il est issu et où il est né. C’est bien sûr la sexualité qui est le centre de cette étude, celle des grands solitaires que nous sommes tous, même mariés avec des enfants. La jouissance est tout sauf évidente, comme ne cesse de s’en plaindre le petit garçon tout au long du film… c’est si dur de venir ! Et au centre de tout cela, les trois sœurs qui n’ont rien de Tchekhov : la paumée qui va d’échec en échec, la manifestement heureuse, en fait frigide et qui contribuera à faire de son mari un pédophile, la romancière en panne d’inspiration qui va rechercher une expérience sexuelle glauque pour tenter d’en retrouver un peu… Sans compter l’inhibée tueuse, le pervers du téléphone… Cette étude entomologiste d’une société décadente est fascinante, d’autant plus évidemment qu’elle est sans complaisance comme l’indiquent les précisions biographiques données au début. Ne nous leurrons pas, il n’est pas question ici de s’apitoyer sur les misères d’autrui et encore moins de s’en moquer… c’est bien de nous qu’il s’agit, de chacun de nous pris dans son humanité sèche et sordide et le film agit comme un miroir, d’où le malaise qu’il peut produire sur certaines populations persuadées que « le monstre, c’est l’autre »…