Happiness Therapy est une réussite : pendant les trois quart de sa durée, il parait à faire totalement oublier les raisons qu’on pouvait avoir de s’en tenir à l’écart, à savoir la crainte qu’on nous serve une énième romcom comme semblait le promettre la bande annonce.


Dans une atmosphère assez proche des meilleurs Alexander Payne, notamment The Descendants ou Nebraska, David O. Russell met en place une exposition d’une rare efficacité : des personnages réellement originaux, un univers incarné, un entourage crédible.


Happiness Therapy est un film porté par ses comédiens. Il faut reconnaitre que le duo Lawrence/Cooper génère une alchimie assez unique. Le handicap de leur personnage brisés par la vie leur permet de penser à voix haute, le tout avec un sens de la répartie indexé sur les capacités d’un Uzi. En résulte un premier repas absolument jubilatoire, où toutes les convenances (américaines, notamment) s’écroulent, dévoilant toute la puissance dévastatrice et la fragilité mentale des protagonistes. Ajoutons à cela la réussite dans l’écriture des personnages secondaires, et particulièrement l’ami dans l’immobilier, cocotte-minute du modèle de réussite capitaliste, et la mayonnaise monte définitivement.


Le récit prend son temps pour installer les personnages et distille quelques crises permettant de cerner leurs abîmes : là aussi, la mise en scène s’avère très efficace, notamment lors de cette nuit de furie ou Pat cherche la cassette vidéo de son mariage, et les effets boule de neige de sa démence sur le quartier tout entier. Nerveuse, rythmée, gérant avec tact l’alternance entre musique et paroles, la séquence est pertinente en tout point.


Lorsque l’histoire et ses enjeux empruntent des rails plus traditionnels, Russell a le mérite de nous avoir rendus ses personnages attachants. Mais le dernier quart, à coup de mensonges, de trahisons, de concours, de paris aux enjeux foireux permettant de lier les deux arcs de la destinée économique familiale et sentimentale individuelle, force trop le trait pour pleinement convaincre. Certes, on nous évite une success story trop lisse, et dans l’esprit de Little Miss Sunshine, on crédibilise la compétition finale.


Mais l’épaisseur des personnages, leur singularité si bien exposée, les rendait dignes d’une destinée un peu plus reluisante que ce final qui semble les décapiter pour pouvoir les faire rentrer dans le moule.
On n’en accordera pas moins le mérite à Russell de les avoir fait exister avec cela.

Créée

le 8 mai 2016

Critique lue 4.8K fois

85 j'aime

4 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 4.8K fois

85
4

D'autres avis sur Happiness Therapy

Happiness Therapy
Sergent_Pepper
7

Clash Dance

Happiness Therapy est une réussite : pendant les trois quart de sa durée, il parait à faire totalement oublier les raisons qu’on pouvait avoir de s’en tenir à l’écart, à savoir la crainte qu’on nous...

le 8 mai 2016

85 j'aime

4

Happiness Therapy
TiGon
8

It's fucking worth it !

Jennifer Lawrence qui gagne un Golgen Globe, film nominé aux Oscars, la critique est dithyrambique : mais qu’est-ce que cette énième comédie indé a de plus que les autres ? On en a vu de ces comédies...

le 23 janv. 2013

73 j'aime

6

Happiness Therapy
Hypérion
6

Don't drink too much. Don't hit anybody. You'll be fine.

Je me suis lancé dans "Silver Linings Playbook" sans la moindre connaissance du scénario. Pas une bande annonce regardée, par un résumé lu, rien, niet, nada. Juste une affiche aperçue dans le métro,...

le 16 févr. 2013

45 j'aime

3

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

774 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

715 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

618 j'aime

53