Entre le petit chaperon rouge et Lolita, ce huis-clos vogue sur la vague pédophile.
On racole.
Mais on racole pour légitimer la loi du Talion : les actes immoraux ont-ils à être jugé par tous ou par chacun ?
Et qu'est-ce que l'immoralité ?
Le film pose toute ces questions et la pédophilie n'est qu'un prétexte.
Nous jugeons avec elle, un condamné. Quelques années plus tard, sort sur les écrans le soft torture israélien "Big Bad Wolves", ce film arty à la Wes Anderson (??), la pédophilie y est traitée comme la légitimation de la violence sur un homme dont on doute des rumeurs.
Si l'on va par là, la pédophilie à l'écran a toujours été un moyen d'interroger la morale, depuis Les risques du métier, M le Maudit jusqu'à La chasse, en passant par les réseaux de prostitution en Moldavie. De près ou de loin, tout ce qui arrive de dangereux aux bambins est quelque part le reflet d'une ambiance contextuelle (familiale ? sociétale ?).
Par conséquent, je trouve ça à la fois dommage de passer par ces travers assez gratuits et à la fois c'est un prétexte assez efficace... Pour finalement se rendre compte avec Hard Candy que le cinéma a tout à fait le droit et doit prendre l'occasion de traiter ce sujet ; ce qui importe dans le fond, c'est ce qu'on en fait. Quid, par exemple, de la démagogie ? Ne serait-ce pas là une apologie d'une attitude totalitaire, fasciste diront certains ?
Je cite Billy98 : Le développement du film "dit clairement que la rédemption lui [au criminel] est interdite et surtout que les procès sont inutiles contre les violeurs, qu'il faut passer directement aux meurtres. Donc oui fasciste, un défoulement assassin quel que soit le camp est pour moi un acte fascisant".
C'est intéressant, malgré l'exagération. En effet, c'est la loi du Talion. En effet aussi, faire sa justice est apparentée à une attitude totalitaire mais aussi à l'extrême droite. Cela m'intéresse car je condamne moi-même tous les films où l'individu "se venge", souvent pour montrer dans une attitude viriliste qu'il ne se fera pas enfiler deux fois. Et il y en a un paquet !! Etes-vous cohérent avec cette ligne morale avec touuuuuus les films où un connard tue un autre connard pour sa connerie ? Je suis sceptique.
En effet, ce n'est pas un film sur l'Etat de droit.
En ce qui me concerne, je ne traiterai pas d'attitude totalitaire le fait de rendre justice par soi-même suite à une agression, le tout dans un contexte de vulnérabilité des femmes et des enfants. Si vous vous intéressez à la justice, on appelle cela une circonstance atténuante - l'atténuation, n'étant pas vraiment dans la logique totalitaire.
Oui, j'apporte une nuance que tu n'as pas perçu : le rapport de force entre l'adulte et un.e ado n'est pas en faveur de l'ado.
Le but n'est pas de savoir si un tel acte est moral ou non, toujours est-il qu'à la fin du film nous ne sommes sûr de rien... Car absolument rien ne nous est montré... La morale est ainsi limité à ce qui est dans le cadre ; tout ce qui est en dehors n'en relève pas. Le tout se fait dans le mal-être et la bienséance, par opposition à l'expiatoire Big Bad Wolves. Et l'expiation, c'est vraiment construit pour contenter les bas instincts, au même titre que les pubs McDo qui donnent envie avec son gras et son sucre. Dire, c'est une affaire mais... Montrer et ne pas montrer, c'est une limite supérieure car elle est associée au faire, associée à l'action morale.
Bon, j'arrête de faire chier. Toujours est-il que
Hard Candy se tient correctement... et c'est déjà pas mal de parvenir à contester toutes mes remarques intérieures sur le sujet et dont je vous épargne la liste.
Remarque, à titre d'exemple, concernant l'empathie.
C'est vrai que l'empathie ne fonctionne pas dans le film et on croirait presque à une panne sur cet aspect. Mais j'ai une idée sur la question.
Quand on se retrouve en face d'une personne qui a été violée ou agressée, nous ne sommes pas dans sa peau. Nous sommes dans la distance de son témoignage. Et celui ci aura beau être le plus limpide et le plus précis possible, nous ne pouvons qu'être un écoutant, autrement dit dans l'impuissance d'une empathie à la mesure du viol ressenti ou de l'agression ressentie (et j'ajoute la notion de ressenti car j'ai pu croiser des témoignages de femmes violées qui s'en remettaient bien et ce pour des raisons ou un contexte personnels).
Peu importe qu'on sache tout du processus de victimisation dans Hard Candy, il est impossible de prendre la mesure de ce qu'elle ressent et de sa détermination parce que nous sommes spectateurs, viscéralement à l'extérieur.
Fait rare, Hard Candy reste un des rares films où une victime est toute-puissante du début à la fin. Personnellement, je ne connais pas tellement de film qui sont aussi salvateurs, à la limite de la jubilation tellement c'est rare. Il y a certes le genre des Rape revenge mais il y a un souci dans le rape revenge, c'est le male gaze. Veuillez excuser tous ces anglicismes mais dans ce genre, les victimes continuent d'être regardées comme des objets sexuels et leur vengeance n'est jamais totalement crédible. D'ailleurs, c'est principalement un public à couilles qui regarde ces films. Et j'en ai fait parti. C'est un vrai problème. Hard Candy me semble déjoue des aspects problématiques dans une inquiétante simplicité.
Le film joue pas mal sur le fait de rendre ce récit glauque mais distrayant. Le malaise est intéressant, bien qu'il enterre définitivement ce chemin de l'empathie pour s'identifier, comprendre ce que la victime a traversé.
Je ne jugerai pas ce film sur l'absence d'empathie ou, à l'inverse, le divertissement voyeuriste malaisant car la non-compréhension devient une force narrative et une terreur grandissante.
Enfin, si l'on était si heureux de l'Etat de droit, les violeurs seraient poursuivis. Ils seraient jugés. Et mis en taule. C'est très très loin d'être le cas et le pire dans tout ça, c'est que tu le sais. Enfin aussi, si tu t'intéresses à la philosophie, c'est un film intéressant pour interroger le pouvoir de la réparation, suite à une agression caractérisée par exemple. Est-ce une manière de prendre soin de soi que de faire justice soi-même ? N'est-ce pas ici l'achèvement de toute résilience ?
Je vais trop loin ? Peut-être... Mais dans tous les cas, on ne peut pas s'arrêter aux actes du protagoniste principal sans CONTEXTE.
Un jour, je vais me faire un t-shirt "Et le contexte bordel ?", ça sera une... tuerie.