Talentueuse Lyna Koudri et magnifique Nathalie Baye. Jade et Esther se sont rencontrées parce que la première et son « associée » ont volé, par ruse, le sac à main de la seconde. Ainsi se trouvent mises en scène les protagonistes centrales et le ton du film de Sylvie Ohayon est donné. Deux mondes vont se rencontrer et fusionner sans que cela soit dit et montré dans la mièvrerie : cela se fait simplement dans la confrontation et dans quelque chose qui relève de l'osmose.
Esther est Première d'atelier chez Dior. Personnage central d'un atelier de haute couture, la Première d'atelier est l'interface entre le styliste-créateur et tous les métiers très spécialisés qui font qu'un simple croquis sur papier d'un modèle textile devienne l'habit qui embellira les femmes.


Jade est une jeune femme qui vit en banlieue entre une mère dépressive et une amie aussi pétulante qu'elle. Une fois le larcin commis et l'inventaire du maigre butin fait, il ne reste qu'à jeter le sac ou, comme pour prolonger l'aventure, le rapporter à sa propriétaire. Jade retrouve Esther et lui rend le sac qu'elle aurait réussi à retrouver en rattrapant comme promis la voleuse.


Esther se prend d'affection pour Jade, une affection un peu rugueuse certes, mais un sentiment authentique fait d'indulgence et d'exigence. Nathalie Baye prête son talent tout en retenue à ce rôle fondé sur le respect et la bienveillance. Un bel échange entre Esther et Jade justifie en lui-même tout le film et lui donne toute sa portée. La vie n'est pas seulement faite d'un boulot pour manger mais d'un métier qui nourrit le corps, l'esprit et l'âme. Esther propose à Jade d'apprendre le métier de couturière et cela dans la plus belle des écoles : celle de l'atelier qu'elle dirige. Jade va entrer pas à pas dans cet univers à mille lieues du sien.


Elle découvre un atelier où l'on se côtoie non pas dans la juxtaposition, mais dans la coopération, un atelier dans lequel œuvrent des artisans, la plupart du temps des artisanes. Il est également un lieu d'apprentissage de la vie avec ses moments intenses faits de joies partagées mais également de rivalités et même de mesquineries qui ne s'embarrassent guère de morale.


Jade découvre également que chacun a une vie apparente mais également une vie enfouie qui affleure parfois et explique quelquefois les attitudes et les comportements. Les rencontres de Jade avec Esther, mais également avec Andrée/Claude Perron qui la maltraite et Catherine/Pascale Arbillot qui, comme elle, vient de la banlieue sans être rebeu toutefois, lui permettent de s'extirper de l'immédiateté et des apparences dans lesquelles elle vit sans véritable recul et sans se projeter vers d'autres lendemains.


Esther est feuj, l'amie Souad/Soumaye Bocum est rebeu et musulmane (ce qui ne l'empêche pas d'esquisser un signe de croix quand elle retrouve son amie qui est allée allumer un cierge à l'église du quartier), Catherine est une blonde gauloise originaire d'une cité de banlieue, Abdel/ Adam Bessa est rebeu fils d'avocats vivant dans un quartier huppé de Paris, Jade est demi-rebeu par un père disparu et par une mère dépressive qui s'est réfugiée dans les " bondieuseries" chrétiennes et dans le rôle de la victime.


A lire cela vous allez vous dire que Sylvie Ohayon a fait un mélange de genres dans l'air du temps bien qu'il manque quelques ingrédients. Détrompez-vous. Le film de Sylvie Ohayon n'est pas une tambouille, mais un film joliment cadré, une histoire bellement scénarisée, avec des seconds rôles aussi discrets que charpentés. L'ingrédient manquant est discrètement présent ; un jeune homme ami de Souad et de Jade, qui aime se travestir, fait partie de l'histoire.


Sylvie Ohayon a montré la diversité telle qu'elle est et ce qu'elle devient quand les gens sortent de leurs cadres et de leurs ghettos. Elle nous met simplement en présence de la diversité des êtres, mais également de leur extraordinaire confluence. Et cela fait du bien, surtout à un moment où quelques tristes sires rêvent de mettre l'intelligence au cachot !

Freddy-Klein
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le 11 nov. 2021

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