Heat
7.8
Heat

Film de Michael Mann (1995)

A l'heure où les plus fervents admirateurs de Michael Mann viennent pleurer dans mon giron l'existence même de Public Ennemies ( que je me suis bien gardé de voir, donc chut. ), je me réjouis d'avoir eu la clairvoyance en '95 déjà de me méfier de ce vidéaste néphrétique.



A l'époque, je n'avais vu que Le Dernier des Mohicans en salle, et comme la toute fin pétarade j'avais réussi à oublier combien le déroulement du film était long et laborieux. Bref, j'entre dans la salle et figurez-vous que le début me plaît.


Le film affiche une volonté de brutaliser un peu le polar. On assiste dans la première bobine à une attaque de fourgon blindé sèche et vigoureuse, loin des paillettes d'Hollywood ( comparez à celle de Lethal Weapon 3, pour délirer un peu ). Plus tard, une autre scène m'interpelle : un soir, DeNiro et sa clique s'introduisent je ne sais plus où pour voler je ne sais plus quoi sous les yeux de Pacino. Suspense et tension sont au rendez vous, sauf que, au lieu du paiement ordinaire ( intervention, bagarre, etc ) Michael repousse l'échéance et le gang se barre sans mot dire, faisant perdre bien des cheveux à l'équipe des flics.


Cette approche réaliste est séduisante, d'autant que pour palier au manque d'investissement de ses stars, il a une flopée de seconds rôles excellents.
Quoi ? manque d'investissement ? T'es malade ou quoi ? DeNiro ! Pacino ! Quoi ? Quoi ?
Oui, vous m'avez bien lu. Que ce soit par manque d'investissement de leur part, ou un manque de couilles de la part de Michael Mann, ils ont des rôles qui ne les mettent pas franchement sur la sellette. DeNiro en grand tout mou introverti VS Pacino en chien fou qui roule des yeux... On les a déjà vu faire, et mieux.
Du coup, je me rabats sur Val Kilmer, Tom Sizemore et toute une horde de second-couteaux que j'aime et qui proposent un truc en plus.



Mais il y a un mais. Michael Mann ne tient pas son principe bien longtemps. Est-ce que c'est parce qu'il vient de la télé et qu'il ne peut pas s'empêcher de changer la donne au bout d'une heure, ou bien qu'il est tout simplement complètement con, je ne le sais.
.. Survient LA fameuse scène de guérilla urbaine que tout le monde adore. Et d'ailleurs, si elle était intervenue dans un autre film, un truc à la Speed, j'aurais sans doute adoré. Mais là elle vient renier tout ce qu'il a proposé depuis le début.
D'un coup les truands échangent des balles avec les flics pendant 5 minutes, faisant de leur budget-balles un gouffre financier qui aurait à peine été couvert si le casse avait marché...
D'un coup les truands se comportent comme des gros cons de figurants dans un obscur Charles Bronson-like de seconde zone : Allez, je prends un otage et je me mets à découvert, pour mieux mourir au ralenti quand le flic-héros me retrouve sans aucune raison !

D'un coup le film bifurque, et pas n'importe où... Il va vers ce qu'il tendait à écarter !


Tout ce que vous pourrez me dire d'un point de vue formel existait avant cette fusillade de toute façon, et comme sa conception même détruit tout ce que le film avait entrepris, je vois mal quoi en dire de bien. Le son ? Oui, on entend bien les balles. Dans Lethal Weapon 3 et Speed aussi. La photo ? Oui, le soleil change plusieurs fois de place, comme tout le monde...


Bon, tout ça pour dire que cette scène est une amorce à tout ce qui fait le malaise de ce malheureux film.


Parce que oui, il faut se fader le reste !


Il y a cette fameuse "scène de confrontation" ou les antagonistes s'ouvrent l'un a l'autre et se racontent leurs rêves, monument de crétinerie insurpassé. Ils finissent par conclure que s'ils se revoient, ils s'entre-tueront, comme le font les antagonistes depuis la nuit des temps... Je sais pas pour vous, mais moi j'avais pas besoin que 6 minutes de ma vie partent en fumée pour apprendre ça... D'autant que le jeu des acteurs ne justifie en aucune manière qu'on la regarde une deuxième fois : Al roule des yeux, Bobby fait la moue.



Et dans la foulée, lui qui clamait à qui voulait l'entendre qu'il n'avait pas d'attache, rien qu'il ne puisse abandonner en un clin d'œil si jamais les flics déboulent, va sombrer pour cause... D'attachement saugrenu à un détail stupide : il veut abattre un type qui les a vendus.
Normalement il aurait tout a fait pu se barrer en Australie avec sa meuf fraîchement acquise et passer un p'tit coup de fil : " Je veux qu'il meurt d'ici vendredi. $50K pour sa tête ! " mais Michael Mann en décide autrement. Et ne venez pas me sortir le " Rhaàménontariencompri ! Justement DeNiro y dit qu'il a pas d'attache mais en vrai il en a il est complexe ! " Parce que justement la toute fin le montre abandonner sa meuf parce qu'il voit Pacino débouler. Donc le coup de tout risquer pour buter un figurant c'est bel et bien l'intervention d'un dramaturge impotent.

"""
Mais bon, il le fait, vaille que vaille, et se fait spoter par Pacino, alors il fuit. Il a 100 mètres d'avance sur un terrain inconnu, autant dire que Pacino n'a aucune chance, mais là il ourdit un plan étourdissant : "Je vais me cacher derrière une cabane d'aéroport comme ça dès qu'il arrive, je me montre avec les projecteurs en pleine poire ! Ça me laisse aucune chance ! Je suis un génie !"

Et pim ! Il se fait dézinguer en bonne et due forme, avec Moby comme cadeau d'adieu.

"""
J'ai tenu ensuite deux autres films de Michael Mann : Révélations et Ali. Donc si Dieu est juste il me laissera mourir au moins 6 heures plus tard...

mikeopuvty
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le 30 sept. 2011

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Mike Öpuvty

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