Manifestement, Guillermo del Toro se fait plaisir en signant ce film, et moi, ça me convient très bien. Ainsi, au lieu de faire un énième blockbuster coulé dans un moule, il fait du Guillermo del Toro.
Une fois de plus, je parle de ce film sans connaître les Comics dont il est l'adaptation.
Ce que j'aime bien, ici, c'est d'abord la galerie de personnages, surtout les méchants. Avez-vous remarqué à quel point, dans ce genre de film, le méchant est plus important que le gentil ? Et c'est lui qu'on attend avec impatience ? Un vrai méchant, avec une vraie gueule de méchant (pas comme Ultron, qui avait une gueule ridicule), ça te transforme un film.
Donc, ici, on a de vrais méchants. Raspoutine, changé en une sorte de prêtre démoniaque mort et ressuscité un nombre incalculable de fois, mais qui a un petit problème oculaire. Les bêbêtes démoniaques, "cerbères de la résurrection, germes de la destruction", gentiment surnommées "gueules de vomi". Et surtout Kroenen, de très loin mon préféré, homme mécanique dont le sang est tombé en poussière ; sa façon de se battre est remarquable, mais en plus il dégage un certain malaise qui en fait, finalement, un personnage plus inquiétant que Raspoutine.
L'un des coups de génie du film, c'est que le gentil, qui d'habitude est complètement nunuche, parvient à prendre de la profondeur. Le caractère démoniaque d'Hellboy en fait un personnage ambigu, pas vraiment un "gentil" car on sent en permanence qu'il peut exploser et tout détruire autour de lui d'un simple coup de tête, parce qu'on voit qu'il est incontrôlable. Le jeu scénaristique sur la nature d'Hellboy et sa vocation destructrice est plutôt bien amené (mieux que dans bien d'autres films). Si j'osais, je dirais que Hellboy est un film sur l'adolescence et la construction d'un être adulte, tiraillé entre l'appartenance à un groupe et la nécessité de se démarquer en construisant sa propre personnalité.


Hellboy est un très bon divertissement. Action, effets spéciaux, humour, tout s'y trouve, tout en évitant les pièges du genre. Del Toro parvient, à partir d'un tel projet, à faire un film personnel où on retrouve son esthétique si particulière, son amour des bestioles en tout genre, des mécanismes antiques, des cités enfouies, des sortilèges démoniaques, de l'occulte. La frontière entre réel et imaginaire, entre le monde de l'humain et celui des monstres, est tellement mince qu'il est facile de passer de l'un à l'autre (voir aussi les autres réussites du cinéaste comme Le Labyrinthe de Pan ou l’Échine du diable).
Volontairement (ou non ?), le cinéaste évite de faire comme dans les blockbusters habituels, où on réserve un final grandiose et impressionnant. Ici, l'action est dispersée tout au long du film, sans véritable temps mort, le tout parsemé d'humour grâce au jeu et aux répliques d'un Ron Perlman vraiment à l'aise dans ce rôle. Et avec, de temps en temps, un certain lyrisme noir du meilleur effet.
En bref, une belle réussite sur le compte d'un cinéaste inventif et esthète.

SanFelice
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le 1 août 2015

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SanFelice

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