Premier film de la comédienne Hiam Abbass d'origine arabe israélienne, vivant depuis de nombreuses années à Paris, Héritage séduit par sa modestie et son ambition. Le film est en effet modeste en choisissant comme cadre une famille arabe réunie autour du patriarche veuf, fatigué et malade à l'occasion du mariage de sa petite-fille sur fond d'un nouveau conflit entre Israël et le Liban sans qu'il soit davantage apporté de précisions. On entre dès lors dans le champ de la parabole et c'est cette option même qui confère au projet une certaine ambition globalement tenue car dégagée du moindre manichéisme, en s'exhortant justement à présenter tous les aspects complexes et contradictoires des problématiques de la grande famille dont Hajar, la cadette, étudiante à Haï fa, est amoureuse de son professeur anglais de dessin. La place de la femme, le poids de la religion et des traditions ne sont bien sûr pas des thèmes nouveaux mais Hiam Abbass suggère avec subtilité comment l'état permanent de guerre, illustré par les passages bruyants des avions et les détonations plus ou moins lointaines des attentats, finit par contaminer l'esprit des habitants dont l'existence quotidienne est marquée sous le sceau de la peur, de la tension et du drame imminent. Comme le dit Hajar, rien n'est simple dans ce pays où tout s'emmêle et s'imbrique, écartelant ainsi la jeune femme entre ses racines (et principalement son père à l'article de la mort) et son désir de vivre sa vie et de prendre sa liberté. La famille peinte par la réalisatrice n'a rien d'angélique ni d'enviable : les hommes y sont dépeints comme des arrivistes ou des manipulateurs tandis que leurs épouses ou sœurs subissent leur domination et leurs humiliations. Si Héritage révèle une capacité à construire et à mener un récit, il pêche aussi, comme la plupart des longs-métrages initiaux, par excès et trop-plein. Les traumatismes et ennuis des membres de la famille sont tellement nombreux et lourds qu'ils auraient probablement mérité un traitement plus approfondi. Néanmoins, l'ensemble se tient et gagne même en intensité une fois tous les protagonistes mis en place. Hiam Abbass démêle avec talent et justesse l'écheveau des rapports complexes et passionnels qui lient la famille avec ses trois générations et prouve au passage un talent de cinéaste qu'elle a sans doute cultivé et développé grâce à ses multiples interprétations.
PatrickBraganti
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le 14 déc. 2012

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