Le titre est à la fois ésotérique et intrigant. Il est l'acronyme allemand de "Himmlers Hirn heißt Heydrich", ce qui signifie : "Le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich".
Reinhard Heydrich (1904-1942) s'engage dans le parti national-socialiste en 1931, devient en quelques années l'adjoint direct d'Himmler (le chef des SS et de la police allemande) et un des plus hauts dignitaires du régime nazi, avant de mourir à Prague le 4 juin 42, âgé de 38 ans, des suites d'un attentat perpétré contre lui par deux membres de la résistance tchèque (ou tchécoslovaque).
C'est ce que déroule le film. Sa première moitié nous raconte les jeunes années et les amours d'Heydrich (l'aryen type : grand, blond aux yeux bleus, à la fois sportif, musicien et cérébral), son mariage avec une militante nazie et, grâce à elle, sa première rencontre avec Himmler, son ascension fulgurante au sein de l'administration nazie, la brutalité de ses méthodes (sous l'égide d'Himmler, il met notamment en place les mécanismes de destruction des Juifs d'Europe) qui lui valent successivement les surnoms d'homme au coeur de fer, puis de bête blonde, enfin de boucher de Prague (en septembre 41, il était devenu "Reichsprotektor" de la Bohème-Moravie, le maître ou n°1 de la région).
La deuxième moitié du film dresse le portrait des résistants tchèques qui ont décidé de débarrasser Prague de son bourreau, raconte les préparatifs puis l'exécution de l'attentat, la mort de Heydrich et la terrible répression qui a suivi, jusqu'à l'élimination de quasiment tout le réseau de résistants tchèques responsables de l'opération.
Le film est intéressant d'un point de vue historique parce que, à moins d'être un spécialiste de cette période, on ne connaît plus aujourd'hui que de nom (et encore !) la figure de ce sinistre personnage (remarquablement interprété par Jason Clarke). On découvre donc, même si succinctement, la construction de sa personnalité, ainsi que le rôle qu'a pu jouer, au début de son ascension, sa femme Lina (Rosamund Pike), bref le processus de fabrication (ou la nature effrayante de froide détermination) d'un des pires monstres engendrés par le régime nazi. Puis, alors que Heydrich est à son apogée, on assiste, côté résistance tchèque, au détail de la mise en oeuvre et exécution de son assassinat. Aucun temps mort ou si peu. On vit deux heures passionnantes d'histoire (avec peut-être un léger manque de sobriété dans les toutes dernières minutes).
C'est très bien photographié (certains reprochent même au réalisateur Cédric Jimenez un excès de joliesse de l'image), très bien interprété, très correctement mis en scène. Ça n'est certes pas un chef d'oeuvre, mais c'est une fresque historique de qualité, captivante et qui a le mérite de sortir de l'oubli des faits datant de 75 ans et plus.
P. S. Fritz Lang avait réalisé en 1943, dans sa période américaine, Les Bourreaux meurent aussi, un film de propagande anti-nazie sur le même sujet, sauf que presque exclusivement centré sur les suites et conséquences dramatiques de l'assassinat du boucher de Prague. Même sujet donc, mais différence de traitement saisissante, le Heydrich du film de Lang étant pour le coup complètement caricatural ; on ne le voit heureusement que dans le premier quart d'heure, ensuite il est assassiné (en off).