résumé et notes
La réalisatrice reconstitue la carrière de reporter de guerre de Gilles Caron de 1968 à 1970, en abordant différemment chaque étape, mais en tentant chaque fois de déterminer les intentions derrière...
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le 11 mars 2020
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L’objet du documentaire Histoire d’un Regard est celui d’une recherche. Les négatifs sont réunis par bandes et isolés sous la forme de blocs monochromatiques sur un fond noir, le fond de l’écran d’ordinateur ; les photographies qu’ils révèlent apparaissent, elles, telles les pièces d’un vaste puzzle qui serait celui d’une existence tout entière, dont l’ordre et le sens sont à réorganiser. Le long métrage se mute rapidement en une collecte d’indices, à la manière d’un détective soucieux de mettre la main sur l’artiste disparu sans laisser de traces : les murs du laboratoire de tirage se couvrent peu à peu de fresques quadrillées, suivant une logique chronologique que la voix off, doublée par la voix d’autres intervenants, explicite. Se décante ici l’art de composer un film documentaire, le travail d’archives étant exhibé, s’activant devant nos yeux au fur et à mesure qu’il sert le récit, à savoir la quête de Gilles Caron.
Les clichés sont superbes. Vibrent en eux l’âme d’une époque, le tumulte des contestations policières, les horreurs de la guerre. Les images sont des bribes d’une mémoire à reconstruire, comme si la personne qui narrait était victime de confusion, d’incertitude quant au déroulement linéaire des actions qu’elle relate. Film sur la mémoire, Histoire d’un Regard est donc également un film sur les dangers de perdre la mémoire, de laisser au soleil ces photographies (ou enfermées dans leurs négatifs) qui, en disparaissant, emporteraient avec elles l’Histoire. Il s’agit bien là d’un sauvetage, alors même que l’homme derrière l’artiste est et restera insaisissable ; Gilles Carron ressemble, en ce sens, à ce jeune homme courant sur le toit d’un train, en Inde, près du Mékong : le photographe ne nous donne accès qu’à son dos, qu’au mouvement de fuite qu’il effectue. Nous ne le rattraperons jamais, il aura toujours sur nous un train d’avance.
Le long métrage est hanté par la figure de Carron, figure qu’il commence par exhumer d’une rétrospective dans un catalogue. Alors, il pose une question essentielle : comprendre le regard d’un artiste sur le monde qu’il capte peut-il contribuer à le ramener d’entre les morts, à le *re-*représenter pour le faire parler par l’intermédiaire de ses clichés ? Oui, et non. C’est dans ce flottement que le film trouve une grâce, passionne et envoûte ; quand les images s’affranchissent un temps de la voix off (parfois envahissante) pour se raconter d’elles-mêmes, aidées par le bruitage. Un grand documentaire.
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Créée
le 1 mai 2020
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