Embonpoint et désuétude à tous les étages

Le programme démarre sur une note d'intention à propos des blues lucide de l'éléphant du cinéma, toujours adulé mais trop vide institutionnalisé. Son défi : avant la descente inéluctable, sortir des sentiers battus, réactiver son aura : le champion classiciste sera l'innovateur, avec le premier film d'horreur exécuté par un maître académique (tout se joue autour du tournage de Psychose en 1960). Il emprunte son sujet aux gazettes sordides, à la littérature d'épouvante malsaine et au bis fauché. Le film le suit dans sa révolution. Dès lors, avec en marge un remariage artistique à l'horizon, l'hagiographie candide permet l'immersion dans la poursuite d'un iconoclasme relatif. Il s’agira toujours, c'est en tout cas la carte que cherche à jouer Gervasi, d'une rébellion individuelle et artistique, face à un système socio-culturel entretenu par des gardiens, pour des raisons d'éthique et d'économie autant que de frilosité naturelle (mais aussi des propres réticences de Hitchcock, que le portrait, trop hagiographique et pressé de consacrer un brave bonhomme, relève à peine lors du tournage).


Tout est fidèle à l'image attribuée spontanément par tous au personnage : Hitchcok y est un conservateur dissident et poliment revêche, un excentrique adapté, pro-actif et nonchalant. Prévisible mais achevée dans sa restitution, c'est une œuvre superficielle, qui n'essaie même pas de s'encanailler des névroses du personnage (ce qui rendait le très frivole My week with Marilyn si ludique) sinon ponctuellement à titre décoratif, encore moins de le sonder. Il s'agit juste de tracer ses contours en jouant les étonnés devant une ritournelle enfin et proprement mise en scène.


La plus grande valeur du film, c'est d'offrir la vision d'un Hopkins empâté pour l'occasion, avec sa prothèse au cou et sa posture d'obèse solennel vaguement ridicule et éminemment sympathique. Pour le reste, le film de Sacha Gervasi évolue à la façon d'une fiction anglaise penaude. Il diverti surtout sur le plan des drames personnels (la crise de couple), avec petites intrigues croisant la grande (le film va-t-il passer la censure, quel impact aura-t-il sur la carrière du cinéaste?) et quiproquos gentillets. Lorsqu'il veut les lier au processus de création, on se gausse. Sinon lors de cette scène de marionnettiste possédant son public et l'exutoire onirique où tout l'entourage passe à la douche, l’œuvre est d'un manque de subtilité et d'élégance désespérant dans ses velléités psy. Lorsqu'il s'amourachent de ses « impulsions », Gervasi et ses scénaristes ne font que se concentrer sur les lubies sensationnalistes d'un vieux monsieur, consistant à mêler érotisme très soft à violence crue et très suggérée. Elle saura néanmoins apporter un éclairage sur l’ambiguïté moraliste du monument de l'angoisse qu'est Psychose (complexité autour de la mise au point de la scène de douche et celle d'amour).


Agréable et léger, mais exagérément traditionaliste (dans ses avatars mais aussi dans chacun de ses tics de fabrique), Hitchcock rappelle l'Albert Nobbs de Glenn Close et s'inscrit dans les tristes et strictes mœurs du genre. C'est une biographie ronflante, avec un thème et un personnage hors-norme, engoncé dans une approche du cinéma scolaire et pompière. Les petites saillies du film, les You know ; I don't care & cie, ne font que révéler le conformisme exubérant du film ; Hitchcock, le long-métrage et le personnage, est exactement comme un bourgeois prenant de la distance avec les siens tout en restant organiquement et perpétuellement encadré par ces ornières chagrines. Un univers bien pépère et désuet simulant l'audace, voilà qui trahit la véritable nature du grand Hollywood du début de l'après-guerre.


https://zogarok.wordpress.com/2013/02/14/hitchcock/

Créée

le 1 déc. 2013

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Zogarok

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