La figure du samouraï a souvent été associée à la sagesse, la mesure et un code de l’honneur hors norme. Egratignée par celle du Yôjinbô de Kurosawa, c’est dans cette lignée que s’inscrit le Ronin de Gosha. La séquence d’ouverture le voit se défouler sur le mobilier, avide de combat et incapable de réfréner ses élans de violence. La suite de son parcours sera à la démesure de ses passions débordantes : massacres, sexualité frénétique avec une prostituée qu’il maintient volontairement dans son état servile, le tout sous les geysers de sang et les cris de souffrance.
Opportuniste, aveuglé par sa force physique, dénué de toute morale, Izo concentre toutes les vilénies de la basse humanité. N’obéissant que peu aux ordres, hurlant son nom lors des massacres, il fait honte à son rang, qui pourtant exploite à l’envi sa fureur.
Car c’est bien là le propos du film, fidèle à la noirceur de l’œuvre de Gosha : fustiger le pouvoir, sa capacité à manipuler et tirer parti de la basse main d’œuvre tout en affichant une idéologie propre sur elle.
Trahi, dénué de rang, Izo amorce une descente aux enfers qui pourrait sembler légitime si elle ne servait pas les intérêts de salauds qui, le cinéma nippon s’échine à le démontrer, dorment en paix.
Le film oppose ainsi deux types de violence : celle, physique et animale, du protagoniste, opposée à celle, calculatrice et perfide, de ceux qui le dirigent, allant jusqu’à le démunir de sa propre identité.
Les voies de la rédemption seront donc celles de l’abandon, de la prison et de l’affranchissement dans la douleur des maitres. Et s’il se rachète, en payant la dette de la prostituée et confessant ses crimes aux autorités, c’est moins ce retour à la morale qui intéresse Gosha que ce qu’il affirme du rapport au maitre. Déclassé jusque dans sa mise à mort, Izo se réjouit de ne pas subir le harakiri qui sera imposé à celui qui le dirigeait, Takechi. Car, dit-il, ils n’occuperont pas la même place au ciel, ce qui signifie qu’il sera libéré de lui pour l’éternité.
On pense bien entendu au majeur Harakiri de Kobayashi, et si Hitokiri n’en atteint pas l’intensité, il poursuit de façon vibrante cette vision radicalement pessimiste du pouvoir, de l’honneur et de la servitude.
(7.5/10)