Disponible en ce moment-même sur Mubi, ce film Danois ayant fait le tour des festivals en 2018 s’inscrit pleinement dans une mouvance d’œuvres radicales que l’on pourrait considérer comme héritières de l’école Grecque contemporaine, symbolisée par le cinéaste Yorgos Lanthimos. En effet, avec sa mise en scène très composée aux cadres symétriques, sa tension sourde présente dès la première scène et faisant office de cocotte minute pouvant exploser à tout moment, et sa violence crue surgissant tardivement avec comme intention première de choquer le spectateur, on est en terrain connu, et il y avait tout à priori pour que le résultat soit détestable sur tous les points. Seulement, comme souvent dans ce genre de cas où l’on pense savoir à quoi l’on a à faire, le tout sera juste un peu plus ambigu que cette simple description pour ne pas se faire laminer en place publique sans autre forme de procès.


Cela pourrait paraître primaire comme réflexion, mais le film étant réalisé par une femme, on se dit que cela à peut-être à voir avec ce discours nous paraissant un peu plus complexe que de coutume. En s’attachant à une jeune femme en vacances en Turquie avec son petit ami trafiquant de drogue et sa bande, la jeune cinéaste dont c’est le premier film entend bien s’attaquer frontalement au problème malheureusement toujours autant d’actualité de l’objectification des Femmes, et de la façon dont certains hommes utilisent ces dernières comme purs objets de satisfaction personnelle, les dépersonnalisant et les réduisant à des silhouettes dont ils pourraient abuser à leur guise. Dès la première scène, le personnage féminin principal est violenté dans une voiture, et cette dernière s’excuse pour une « bêtise » qui pourrait en principe lui coûter la vie. Tout le reste du film sera donc axé sur cette situation de domination absolue des uns sur cette dernière, dont on ne saura jamais vraiment à quel point la situation lui est pénible, tant elle se montrera passive tout du long, du moins jusqu’à une scène à la fin rajoutant un peu plus d’ambiguïté morale.
Il y avait donc tout ici pour passer un moment désagréable, avec cette mise en scène en forme de dispositif dont on perçoit toutes les coutures et dont on a l’impression que rien ne pourra jamais dépasser du cadre auto imposé. Et pourtant, il faut bien admettre que même en se retrouvant un peu démuni lorsque le générique de fin défile, la démonstration ne peut laisser indifférent, et cela est dû tout autant à l’efficacité de cette mise en scène que l’on pensait avoir déjà vue plein de fois, mais qui par son savoir faire indéniable, réussit à accrocher notre regard, par cette science du cadre et la très belle photo ; qu’à la direction d’acteurs solide et au discours général, certes parfois difficile à cerner mais néanmoins réellement percutant.


Et cela nous mène donc à LA scène tant attendue, dont Mubi nous a mis en garde avant le film, à savoir un viol sordide capté en un plan séquence, et à l’évidence non simulé. Que l’on se comprenne bien, ce sont les plans sexuels qui sont réels, mais l’agression en elle-même est bien évidemment contrôlée, nous ne sommes pas dans du snuff movie. La scène en elle-même fait son effet, on est dégoûté, c’est explicite comme ce type de cinéma peut l’être, ce qui, si le film était réalisé par un homme, pourrait nous faire dire qu’il s’agit de complaisance crasse, mais qui ici, devient forcément plus complexe. Après tout, il n’y a pas de raison qu’une femme, à priori plus concernée par ce type de sujet qu’un homme, ne s’attaque pas de front au problème en y allant à fond dans la description crue de son sujet. Le problème principal ici étant comme toujours, que l’on a l’impression de voir à chaque instant où la réalisatrice veut nous mener, et qu’à la fin, on est toujours pas certain de la réelle nécessité de pareille entreprise.


Le résultat n’est pas catastrophique, loin de là, on a vu bien pire dans le même registre, mais la caractérisation assez particulière du personnage féminin principal finit par nous tenir à distance, de par ses réactions difficilement compréhensibles. Un film par endroits assez fort, mais fatalement pas pleinement satisfaisant, néanmoins intéressant à voir une fois, qui sera donc disponible sur la plateforme pour 19 jours encore.

micktaylor78
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le 18 sept. 2019

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