Le miel de la terre
Il aura fallu 3 ans de tournage à Ljubomir Stefanov et Tamara Kotevska pour récolter le matériau nécessaire à l'élaboration de ce documentaire de 1h30, réalisé aux confins des Balkans, dans les...
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"J'ai cherché une fleur, j'ai trouvé une forêt
L'abeille a piqué ta vie..."
Les paroles de la chanson du rappeur So La Lune résonnent pour tous ceux qui attendaient une fleur et qui découvrirent une forêt à la suite du visionnage de ce documentaire qui est l'un des plus touchants de l'année 2020. L'actualité récente de la Mayenne révèle que les apiculteurs et les citoyens locaux ont fait corps pour annuler l'installation d'un apiculteur et sa ferme des 300 ruches avec des abeilles génétiquement choisies pour une production de gelée royale. Ils ont obtenu gain de cause, signe que la mobilisation des citoyens a toujours un impact. Déplacer des montagnes, s'unir, produire durablement et écologiquement, sans artifice ni élucubration, c'est le mode de vie que suit Hatidze dans les montagnes désertiques de Macédoine sans le revendiquer ni même s'ériger en figure exemplaire. Filmée par Tamara Kotevska et Ljubomir Stefanov, jamais ce bout de bonne femme ne sera hautaine envers la nature. Elle connait ses limites et sa modestie est l'une de ses grandes forces.
Aussi alléchant que la douceur d'un miel de sapin, Honeyland butine dans ce paysage hostile et éloigné des civilisations urbaines en suivant les pas d'Hatidze sans tomber dans l'éloge panégyrique. Les visages multiples qui la composent font de son identité une personnalité atypique, à la fois rieuse et agacée, brave et enjouée, pédagogue et abusée. De ce miel polyfloral qui coule dans ses veines, Hatidze donne à voir un quotidien sobre, balayé par les vents de la patience et par ceux de l'attention qu'elle voue autant à ses abeilles qu'à sa mère. Personnage marquant et déchirant, sa mère qui n'a pas vu le soleil depuis trois ans a les jambes aussi raides que le caractère trempé. À 85 ans, cette femme alitée semble jouer depuis longtemps sur le chemin du paradis, bravant les hivers rudes et les ténèbres avec désinvolture, narguant presque la mort restée sur le pas de la porte.
Face à des voisins Turcs dont l'inconscience et la bêtise mettent en relief l'aura qui émane d'Hatidze, on s'offusque, on pardonne, on juge, on insulte, en somme ils nous font butiner dans nos sentiments les plus contrastés. Qu'est-ce qu'on ferait dans ce bordel ? Difficile de savoir, tant notre méconnaissance du peuple ailé nous limite à l'apprivoiser. Faire preuve de modestie : voilà l'éthique qui meut la gardienne de cette cité de miel. À la jacquerie des voisins, à leurs coups, à leurs cris et leur brutalité s'opposent le bourdonnement régulier des abeilles, le silence d'Hatidze, sa patience et sa force vive. Honeyland est un documentaire de la vie, d'une destinée quasi ancestrale, qui pique le spectateur à défaut de tomber dans le mélo-mieilleux !
Lire ma critique imagée sur mon site : https://lestylodetoto.wordpress.com/2020/07/18/honeyland-jai-cherche-une-fleur-jai-trouve-une-foret/
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Créée
le 18 juil. 2020
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