Far and Away croise la fresque historique avec la ballade irlandaise : soit l’entrelacs de motifs triviaux avec ses nombreuses bagarres, ses disputes entre amants déguisés à Boston en frère et sœur, d’un folklore exploitant certains instruments de musique et certains éléments légendaires tel le retour à la vie d’une personne sur le point de disparaître, et d’une odyssée collective, celle de pionniers irlandais soucieux de fuir des conditions de vie précaires pour obtenir une terre et fonder un foyer aux États-Unis. Si la trajectoire narrative défendue par Ron Howard flatte de façon lourdingue la bannière étoilée, par une opposition simpliste entre une Irlande sauvage et une Amérique idéalisée ouverte aux ambitieux, la longue partie consacrée au séjour de Joseph et Shannon à Boston malmène quelque peu le cadre idéologique et nuance le portrait du pays d’accueil ; en effet, la ville apparaît comme un carrefour entre deux mondes, un purgatoire offrant aux amants la possibilité d’inverser leur rang social et ainsi de partager le pouvoir de l’autre jusqu’à s’oublier. L’Île des esclaves, pièce à succès de Marivaux, est ici revisitée avec talent et humour, ce même humour qui imprègne non sans originalité un mélodrame réussi, porté par son duo d’acteurs charmants, par le savoir-faire de son réalisateur et par la partition alerte de John Williams.