"Apprendre à observer la laideur pour y déceler la beauté"... C'est grâce à ce précepte que Juliet, jeune fille marginale, rencontra le beau Jack, le propriétaire de la galerie où ils observèrent tous deux longuement une toile de Francis Bacon. L'histoire d'amour de ce passé pas si lointain, le spectateur la découvrira par les bribes de la mémoire d'une Juliet qui n'a plus grand chose à voir avec la femme qu'elle était alors. Entre-temps, l'Amérique a en effet été frappée par une épidémie qui a transformé ses paysages en immenses déserts où des mutants cannibales passent leurs temps à croquer les humains restants. Membre d'un groupe de survivants, Juliet cherche de la nourriture dans des lieux isolés. Un jour, un accident de voiture la bloque dans son véhicule renversé. En attendant d'être sauvée, elle tente de maintenir les assauts de plus en plus insistants d'une des créatures...


C'est donc dans le huis-clos de cette voiture que le déroulement de "Hostile" va se séparer entre deux lignes temporelles, chaque souvenir de la romance essentielle vécue par Juliet va venir plus ou moins subtilement répondre à un micro-évènement de cette fameuse nuit où elle tente de lutter pour sa vie


(exemple: lorsque la créature morte-vivante s'immisce dans l'environnement de la jeune femme, le flashback se concentre sur celle-ci expulsant sa fille morte-née)


. Bien entendu et plus largement, le mantra du long-métrage que l'on a cité en introduction va avoir une importance capitale sur la totalité : là où Jack a su voir la lumière dans les démons qui habitaient la jeune femme pour l'aimer, Juliet va devoir adopter une approche similaire pour aller au-delà des apparences de la situation inextricable où elle se trouve. Sous l'égide de ce message, la finalité de cette construction scénaristique prendra évidemment encore plus de sens avec un twist final certes très prévisible et facile mais tout de même poétique et quelque part logique sur le propos que le film a voulu mettre en exergue.


Si, sur le plan global de son discours, "Hostile" se dote d'une ossature habilement pensée pour le transmettre, il est hélas bien difficile de se passionner en permanence pour ce qui se passe à l'écran, surtout sur le contenu de la romance et de la nuit de survie en eux-mêmes. D'accord, les liaisons entre les deux sont plutôt malignes et donnent au film une structure bien plus fine qu'il n'y paraît mais ni le passé amoureux (sa progression dramatique ressemble à un mauvais soap malgré les efforts des acteurs pour la rendre un tant soit peu naturelle), ni l'affrontement entre Juliet et la créature (également terriblement classique dans ses quelques rebondissements) n'offrent quelque chose de réellement inédit à se mettre sous le dent. Mathieu Turi a sans doute privilégier le long-métrage pour à la fois exprimer la force de l'histoire d'amour sur une longue période et la durée interminable de cette fameuse nuit vis-à-vis du calvaire enduré par l'héroïne mais, vu la banalité dans laquelle s'enferment ces deux points de vue, on en vient à se dire qu'un format court de 30 minutes aurait sans doute été plus efficace grâce à quelques artifices permettant de maximiser les impacts émotionnels recherchés sur un temps plus restreint. Ici, on en arrive à un drôle de paradoxe où l'on a envie de saluer ce que le film a voulu construire -tout le potentiel est bel et bien là même s'il ne brille pas par son originalité- alors qu'il n'a jamais (ou rarement) été capable de nous passionner sur son parcours pour y parvenir.


On ne peut que le regretter car, ayant acquis une certaine expérience sur les plateaux de blockubsters US, Mathieu Turi livre un film on ne plus convaincant au niveau esthétique. Du travail sur l'image à celui sur la créature, "Hostile" évite les fausses notes habituelles des tentatives françaises en la matière pour un résultat qui tient franchement la route sur ce seul aspect formel. Certains pourront lui reprocher son approche finalement très américaine sous-entendant une uniformisation mais, en bon amoureux du genre, Mathieu Turi puise sans doute là où ses influences de survival l'amènent en premier (et ce n'est bien sûr pas la France qui vient en premier en tête à ce sujet).


Nouvelle incursion frenchie dans le cinéma de genre, "Hostile" est un premier film prometteur notamment sur sa mise en scène ou ses ambitions narratives mais les chemins pris pour arriver à ses fins (et à sa fin) ressemblent vite à des autoroutes trop balisées pour que l'on ait envie de s'y perdre à nouveau (et ce, aussi bien en termes de survival que de drame romantique). Peut-être que "Hostile" aurait gagné à être envisagé comme un court-métrage car, en l'état, les arguments qu'ils proposent en sa faveur ne peuvent pas faire grand chose face à l'ennui poli qu'il provoque sur sa route beaucoup trop désertique en surprises...

RedArrow
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le 18 juin 2019

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