C’est un premier film à la fois déconcertant, d’abord agaçant et enfin attachant grâce à sa simplicité, doublement due au manque de moyens et à la volonté de Claude Berne de réaliser avec modestie, s’accordant ainsi avec exactitude à celle de son duo de personnages, et aussi de refuser pathos et apitoiement, ce qui finit par être trop voyant dans la distance forcée et désabusée que le réalisateur, qui interprète également le rôle de Paul, affiche dans ses relations avec Marie. Qu’ont donc en commun ces deux êtres, sinon d’occuper une chambre à l’Hôtel du Paradis, établissement de Saint Quentin (en Picardie) qui connut apparemment des heures plus glorieuses, devenu le havre de laissés-pour-compte, une sorte de pension où les chambres vétustes sont louées au mois, et d’être marqués, presque détruits, par le manque ? Pour Paul, la cinquantaine lasse mais frondeuse, c’est celui de ses deux garçons qu’il ne voit plus qu’un week-end sur deux suite à son divorce et la perte de son boulot, tandis que pour Marie, sa cadette d’une quinzaine d’années, c’est celui de son fils, adolescent qui a mis fin à ses jours. Les souffrances et les galères, pour tenaces qu’elles soient, ne sont bien sûr pas comparables mais elles vont néanmoins constituer un matériau qui fondera le curieux rapport, oscillant entre ersatz d’amour et attachement filial, qui se tisse entre Paul et Marie. On est d’abord gênés par le jeu artificiel et appuyé des comédiens, se débattant parfois maladroitement avec des dialogues très écrits et littéraires qui sonnent un peu faux. Passé cet accroc, dont on comprend d’ailleurs qu’il n’en est pas vraiment un, juste le camouflage plus ou moins efficace d’une pudeur et d’un désir pugnace de sauver les apparences, on accroche davantage aux péripéties de cette histoire plus lourde et tragique que la morgue de Paul et la bravoure de Marie le laissent paraître. La caméra est toujours à bonne distance, sachant demeurer derrière une porte ou s’arrêter au moment de capter une scène délicate, tendue qui pourrait aisément faire naître un sentimentalisme que Claude Berne se fait un devoir de tenir résolument éloigné. Hôtel du Paradis trouve donc le ton juste au bout d’une demi-heure avant hélas de le reperdre dans une résolution trop démonstrative et inutilement dramatique ; cependant, on sait gré au cinéaste de mettre au cœur de son long-métrage, dans une ville de province banale, des personnages paumés, chômeurs, chahutés par la vie, qui tentent de garder la tête droite. Une certaine idée de la flamboyance et de la fierté qui traverse ce premier film, inabouti et délicat.
PatrickBraganti
6
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le 15 nov. 2012

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