Dispensable mais emballé avec savoir-faire
Après Harry Potter et Twilight, c’est au tour de la saga Hunger Games de voir son dernier opus scindé en deux. De quoi faire durer le plaisir des fans ou bien s’agit-il d’un concept purement lucratif pour les producteurs ? Bien que la réponse soit évidente pour la plupart des cinéphiles, le fait de couper un film en deux parties n’a jamais vraiment eu de succès auprès de l’assistance, surtout en ce qui concerne la première, souvent jugée trop lente (Harry Potter et les Reliques de la Mort) voire même sans intérêt (Twilight : Révélation). Qu’en est-il alors de ce nouvel Hunger Games ? À en croire la majorité des critiques de la presse, il semblerait que la « malédiction de la première partie » ait encore frappé, le long-métrage étant considéré comme ennuyeux à mourir. Injustement ? Il faut croire !
Qu’adapte donc cette partie d’Hunger Games : la Révolte ? La première moitié du livre, durant laquelle il ne se passe pas grand-chose : la présentation du fameux District 13, la préparation de Katniss aux spots de propagande anti-Capitole, le tournage de ces derniers, des séquences intimes qui approfondissent le personnage principal, trois moments un peu plus orientés action… rien de plus, si ce n’est une intrigue qui met en avant l’héroïne, le symbole de rébellion qu’elle représente et le portrait d’une société fataliste via le Capitole et son concept des propagandes ! Il est donc normal que le film puisse décevoir les férus d’adrénaline et de sensations fortes, le modèle d’origine n’ayant rien à proposer de ce genre. Qui faut-il accuser, dans ce cas ? Les producteurs, sans l’ombre d’un doute. Eux qui ont décidé que le troisième et dernier livre soit divisé en deux parties pour profiter pleinement du succès incontestable de la saga au cinéma, et qui ont voulu attirer bien plus de spectateurs avec une bande-annonce mensongère qui fait l’éloge d’une action quasi inexistante dans ce film. Le réalisateur n’est donc pas en cause, devant du coup faire de son mieux avec ce qu’il a en mains.
Et en y regardant bien, Francis Lawrence s’en sort justement avec les honneurs. Il est vrai que pour l’action, le bonhomme devra s’améliorer pour la seconde partie, ayant attrapé le tic de Michael Bay en filmant avec une caméra qui tremble dans tous les sens lors des séquences d’action (ici, le passage au District 8). Mais une chose est sûre : le cinéaste a du savoir-faire. D’une part, il sait diriger ses acteurs, en particulier Jennifer Lawrence (malgré le nom de famille, il n’y a aucun lien de parenté) dont le jeu a gagné en puissance émotionnelle depuis le tout premier film. De l’autre, il manie avec respect l’univers de l’auteur Suzanne Collins en ne trahissant jamais les idées et émotions délivrées par les livres : un second degré bienvenu via les personnages d’Effie et Haymitch, des décors correspondant de près à ce qui était décrit dans les romans, des plans violents qui n’ont pas peur de la censure hollywoodienne (le District 12 en ruines, jonché de cadavres encore fumant), des scènes en plus par rapport au livre (la mission d’infiltration au Capitole pour délivrer Peeta), un soin tout particulier apporté sur les spots de propagandes… tout ce qu’il faut pour que cette première partie mérite amplement d'intégrer la saga cinématographique Hunger Games.
Après, le film n’est pas non plus sans réels défauts, à commencer par le scénario. Adapter un livre au cinéma nécessite toujours quelques coupures dans le récit, des moments considérés comme inutiles sur grand écran. Hunger Games : la Révolte – Partie 1 n’échappe pas à la règle, sans pour autant trahir l’œuvre originelle, en ne reprenant que le principal. Néanmoins, à trop se concentrer sur le personnage de Katniss et son statut de symbole de la rébellion, le film oublie d’approfondir tout ce qui l’entoure. Les protagonistes secondaires sont les premières victimes : jamais ils ne sont mis suffisamment en avant pour que le spectateur s’intéresse un temps soit peu à eux. Les nouveaux (Alma Coin, Cressida, Boggs…) font office de figurants, les anciens (Gale, Effie, Haymitch, Primrose, Finnick…) ne répondent présents que pour être aux côtés de Katniss sans apporter quoique ce soit à l’histoire. De plus, le script survole bon nombre de détails évoqués dans le livre, qui ont pourtant leur importance dans le dénouement de cette saga : le fait que le District 13 soit aussi strict et fataliste que le Capitole n’est jamais montré, la révélation de Finnick sur sa prostitution passe inaperçue pour ne servir que de fond à une séquence d’infiltration, le travail de Primrose à l’infirmerie du District 13 est balancée en une seule réplique… de quoi rester un peu sur sa faim, il faut bien se l’avouer, surtout après avoir lu le livre.
Quoiqu’il en soit, la première partie d’Hunger Games : la Révolte est loin d’être la déception sans nom annoncée par la presse. Oui, le film détruit littéralement le rythme plutôt mouvementé engendré par les opus précédents. Oui, ce n’est pas le meilleur épisode de la saga cinématographique Mais encore une fois, ce sont les producteurs qu’il faut critiquer et non le réalisateur Francis Lawrence, qui a franchement fait de son mieux pour que ce film ne soit pas d’un ennui mortel (il suffit de discuter avec des personnes n’ayant pas lu le livre pour s’en rendre compte) ou sans âme. Même si cette partie peut se montrer dispensable en ayant en tête qu’un film de 3 heures aurait amplement suffit au lieu de s’éterniser autant, cet Hunger Games reste bien au-dessus de la moyenne des teen movies qui ne cessent de pulluler sur les écrans depuis ces dernières années.