Le geai est bien moqueur...
La célèbre franchise entame son avant-dernier tour de piste, avec un cynisme pour le moins amusant.
Depuis Harry Potter, il est commun que les adaptations de romans pour ados scindent en deux films le dernier tome de leur saga. Pour cela, il faut que l'histoire mérite que l'on développe tous ses arcs narratifs (qui pourraient être bâclés dans un seul métrage), et surtout que les producteurs puissent au passage s'en mettre plein les poches. Étonnamment, si Hunger Games : La Révolte – Partie 1 flirte du côté de la seconde catégorie, il s'en sort plutôt bien. Pour rappel, dans le précédent opus, Katniss Everdeen (Jennifer Lawrence, qui encore une fois irradie de son talent) s'échappait de l'arène du jeu de massacre annuel, organisé par le dictatorial Capitole. Elle découvre alors la révolution qui se prépare dans la base souterraine du district 13, cachée au reste du monde.
En tant que film de transition nous préparant à l'assaut du prochain volet, cet Hunger Games 3 se concentre donc avant tout sur le rôle de Katniss dans la guerre, à savoir celui de symbole de la rébellion. Si l'idée est passionnante (et bien traitée), cela est tout de même un peu léger pour un blockbuster de deux heures. De ce fait, Francis Lawrence ne parvient pas toujours à éviter une certaine répétition, d'autant plus qu'une grande partie de l'action se déroule dans les couloirs du district 13, et que le cinéaste ne cherche pas à varier sa mise en scène fonctionnelle, qui abuse (encore une fois) de la shaky cam. Pourtant, le long-métrage devrait prendre son temps, poser plus ses enjeux et son univers avant le grand final. Là est le paradoxe de cette Partie 1 : elle est trop longue et allonge inutilement certaines scènes sans pour autant nous en avoir montré beaucoup. Les décors de ruines étant déjà plus ternes que ceux des premiers films, le réalisateur en remet une couche en sous-exploitant la majorité des personnages secondaires, seuls éléments de vie dans cet univers sombre (dans tous les sens du terme, beaucoup de séquences sont tournées avec très peu de lumière).
D'un autre côté, on peut comprendre ce postulat de se fixer quasiment en permanence sur Katniss, car c'est de ce parti-pris qu'Hunger Games 3 puise ses meilleures idées. En effet, Francis Lawrence s'amuse du statut 3.1 du film pour frustrer le spectateur, notamment par un manque étonnant d'action visible à l'écran (à saluer pour un blockbuster avec un tel cahier des charges). Le hors-champ est prédominant, laissant le public et les personnages se contenter d'explications et de décombres. Ainsi, le réalisateur accentue l'impuissance de Katniss face à cette guerre qui la dépasse. Elle ne peut pas empêcher les crimes du Capitole. Elle arrive sur les lieux après, ne pouvant que constater la cruauté de ce qu'elle a déclenché. Malgré la sempiternelle romance maladroite de ce type d'œuvre, le scénario reflète d'une assez belle manière l'humanité et la fragilité d'une simple personne que d'autres veulent transformer en allégorie. Non sans ironie, l'héroïne devient un produit fabriqué, calibré pour toucher la population des districts. On lui apprend à se mettre en scène, à jouer du voyeurisme des premiers long-métrages pour faire progresser la rébellion.
Francis Lawrence a, dès lors, la bonne idée de compenser le fait de seulement amorcer les arcs narratifs par une prise de recul avec le message de la saga, et plus généralement des teen movies à tendance dystopique. La belle Marianne n'est qu'une façade pour dénoncer des vérités générales (le totalitarisme, c'est mal !) et décrire une belle histoire d'amour dans ce monde chaotique. Comme si le cinéaste et les scénaristes avaient eux-mêmes conscience des limites de leur histoire, ils s'engouffrent avec plaisir dans un cynisme surprenant (plus développé que dans le livre), où les deux camps adverses rivalisent à coups de propagande. Plus que le combat lui-même, la manipulation des masses par le pouvoir de l'image s'avère décisive, pensée et réfléchie par des agents de communication comme Plutarch Heavensbee (le regretté Philip Seymour Hoffman).
Lawrence parvient à tirer quelques moments d'humour de ces coulisses des médias (notamment la première tentative de « propaclip », comme ils les appellent), mais fait en même temps froid dans le dos par l'actualité qu'il touche. Par ailleurs, il a beau dénuder Katniss de son pouvoir de geai moqueur, nous restons tout de même sous le charme de la mascarade qu'elle incarne, et tout particulièrement dans cette pause plutôt intelligente, qui nous fera patienter avant le bouquet final.