S'il n'a rien d'original ni de franchement effrayant, Hurlements est quand même un bon film de loups-garous. D'abord parce que c'est un hommage efficace. Dante, en grand amateur des films de genre, connaît ses classiques et truffe son film de clins d’œil directs ou indirects, jusqu'à la toute fin de son générique. La narration de Hurlements reprend les procédés classiques des films de loups-garous, et même de toute une série de films fantastiques ou d'horreur : des phénomènes étranges, des gens qui enquêtent, d'abord sceptiques puis de plus en plus convaincus qu'il se passe quelque chose d'étrange, de paranormal dans tout ça.
Finalement, par son esthétique et son propos, on se croirait ici dans un bon vieux film de la Hammer. Alors, certes, il n'y a rien d'inattendu là-dedans, bien au contraire, tout est très balisé ; mais ce que l'on perd en originalité, on le gagne en plaisir : Hurlements est le film d'un passionné qui s'adresse à d'autres passionnés.
Cependant, croire que le film s'arrête uniquement au plaisir immédiat, à un premier degré référentiel, serait mal connaître Joe Dante. La scène d'ouverture nous donne déjà des pistes de réflexions, en nous montrant une émission de télévision à laquelle participe le docteur Wagner (Patrick Macnee, qui alliait mieux que personne la classe et le talent). Les propos du docteur nous emmène dans une réflexion sur la part d'animal en l'être humain, piste qui sera explorée durant tout le film. Finalement, les loups-garous sont une représentation imagée des instincts animaux de l'humain : reproduction, chasse, nourriture carnassière. Ces êtres mi-hommes ni-loups nous renvoient l'image de ce qu'était l'homme avant la civilisation. Et ce passé n'est pas enfoui très profondément.
C'est là qu'on retrouve un étonnant discours prononcé à la fin du film : un des loups-garous s'adresse aux autres en leur disant : « il faut s'adapter à la société actuelle. Le monde a changé, pas nous ». Et voilà une brusque irruption du politique dans un film de genre. Outre que ce discours en rappelle bien d'autres, tenus de façon nettement plus sérieuse, il éclaire le film de façon passionnante en inversant le point de vue. Certes, tout le long de Hurlements, nous suivons les victimes ou les enquêteurs, mais les loups-garous du film ne sont pas pour autant des personnages secondaires. Ils sont comme tous les êtres humains, partagés entre civilisation et sauvagerie. Finalement, on peut deviner à quel point leur spécificité leur pèse : quelques mots prononcés par l'un d'entre eux au moment de mourir laisse voir la malédiction d'une brutalité incontrôlée. La question profonde du film se niche par là : l'humain étant un animal bien souvent guidé par ses instincts, la vie dans une société stable est-elle possible ?
Il y a une autre réflexion qui traverse le film, celle liée à la télévision et aux journalistes. A travers Hurlements, Joe Dante nous interroge sur notre fascination pour la violence, la brutalité, les faits divers sordides. Vidéos de viol, collections d'articles de journaux sur des meurtres sanguinaires, journaux télévisés où dominent les histoires glauques, succès d'une boutique de l'étrange où se rendent même deux bonnes sœurs : il y a quelque chose qui nous attire dans le mal. Non seulement l'homme est un animal, mais il se nourrit de cette bestialité répandue dans la société.
Finalement, comme c'est souvent le cas avec Joe Dante, on a à la fois un divertissement et, si on sait lire entre les lignes, une vision intéressante de notre société.

SanFelice
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le 10 avr. 2018

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