I am Divine revient sur le parcours fulgurant et la vie de Harris Glenn Milstead, un petit gars timide, efféminé, rondouillard et complexé de Baltimore qui deviendra rien de moins que l'icône la plus trash, la plus punk, la plus exubérante et la plus subversive du cinéma et de l'underground à travers le personnage inventé par John Waters, le drag-queen obèse Divine.
Jeffrey Schartz retrace donc la vie et l’œuvre de Glenn/Divine à travers de nombreux extraits de films et spectacles, des images d'archives et des témoignages de proches toujours emplis de bienveillance envers la diva trash de Baltimore. Plus de 25 ans après sa mort Divine demeure le symbole fort de la marginalité, des freaks et des exclus accédant à la respectabilité mais aussi d'une liberté totale et sans aucuns tabous posant son gros cul obèse sur toute les pseudo-normalités physiques, morales et sexuelles. Le jeune Harris Glenn Milstead qui se faisait cogner dessus au lycée à cause de sa différence deviendra avec ce personnage de Divine, un immense doigt d'honneur ambulant à toutes les convenances morales.
Le documentaire revient bien sûr sur la naissance du personnage de Divine et tout ses excès avec notamment les premiers films de John Waters que sont Mondo Trasho, Pink Flamingos, Desperate Living et Female Trouble. Des films dans lesquels la folie de John Waters est à son comble, lui qui considère à l'époque qu'un spectateur qui gerbe pendant une séance est l'équivalent d'une standing ovation. Au fil de ses premiers films Divine porte des tenues absolument exubérantes, se fait violer par un homard géant, frotte son entre jambe avec des poissons morts ou mange une crotte de chien toute fraîche entre autres délicates finesses et réjouissances.... En l'espace de quelques films seulement Divine deviendra un personnage culte et une icône de la contre culture et de l'underground new-yorkais. Cinéma, théâtre, comédie, la Divine enregistrera même plusieurs disques assez avant-gardiste de disco/electro/punk jusqu'à accéder à la pleine notoriété du grand public avec la sortie de Hairspray en 1988.
Si l'aspect rétrospectif du film est intéressant c'est sans aucun doute dans sa dimension introspective qu'il devient le plus passionnant et le plus émouvant. Car derrière Divine transparaît toujours la personnalité et les fêlures de Glenn et au fil du temps la relation Divine/Glenn, Créature/Créateur prend des allures de Dr Jekyll et Mr Hyde. On découvre avec le documentaire de Jeffrey Swartz un Harris Glenn Milstead rêvant d''être acteur sans avoir à enfiler encore et encore les robes et les perruques de Divine, fatigué d'être éternellement renvoyé lors d'interview à la scène de la crotte de chien. Car Divine était à la fois la carapace exubérante et provocatrice de l'homme timide et la prison inviolable et restrictive de l'acteur. Les témoignages les plus forts et les plus émouvants de I am Divine sont sans aucuns doutes ceux de la mère de Harris Glenn Milstead qui après avoir rejeté son fils du fait de ses excès et de son homosexualité finira par se réconcilier avec lui acceptant à tout la fois Glenn et son double Divine. Le regard embué de larmes, on sent que pour cette maman Glenn/Divine restera éternellement ce gamin rondouillard, efféminé, timide et complexé de Baltimore qui rêvait simplement d'être aimé et respecté de tous et qui s'est inventé un monstre exubérant pour forcer la terre entière à regarder la différence bien en face.
Harris Glenn Miller est mort le 07 mars 1988 à 42 ans dans sa chambre d'hôtel alors qu'il devait intégrer la série Marié Deux Enfants en tant qu'acteur et non en tant que Divine. On se souviendra sans doute bien plus de Divine que de Glenn, même si les deux ne sont que les deux faces d'une même personne et que la fragilité de l'homme aura servi toutes les provocations du drag-queen trash. La qualité première de I am Divine est sans doute là, dans le fait de célébrer le monstre sacré Divine sans oublier l'homme qui était derrière la robe et le maquillage de l'outrance.