Keiko est une jeune fille de 21 ans qui vit seule à Tokyo. Son père est mort il y a un an, et elle décide peu avant ses 22 ans d'enregistrer une vidéo d'1 heures 1 minute et 1 seconde, sensée représenter sa vie.
Dans ce film, nous voyons notre personnage comme une horloge qui compte les secondes. 1, 2, 3, elle se promène dans la rue pendant de longues minutes en comptant chaque étape de sa journée, comme pour symboliser l'ennui de la vie de couple. Le passage du temps la fascine; la perte du temps rythme sa vie. Chaque seconde est une vraie lutte, chaque seconde avant, peut-être, d'atteindre la paix. Elle est réconfortée et intimidée par le fait que la vie continue. Le temps ici est encore plus représenté comme un fétiche que dans les histoires de Wong Kar-Wai.
Peu à peu, Nous découvrons son sourire, en l'observant redevenir petit à petit, presque imperceptiblement, la personne qu'elle est réellement.
Au commencement du film, on nous informe que sa vidéo va durer exactement 1 heure, 1 minute et 1 seconde, après quoi nous pourrons la laisser. Elle ne veut pas qu'on s'immisce dans sa vie mais elle semble avoir besoin de nous en tant que public. C'est une démarche intéressante, combien de films nous proposent d'être utilisés comme un réel public et pas comme un spectateur? Par conséquent, la fin est un exemple de justesse et de cohérence avec la démarche de l'ensemble du métrage.
Finalement, le film en question est très simple, presque d'une banalité assez rédhibitoire, mais comme dit précédemment, sa démarche va dans ce sens: Keiko regarde par la fenêtre, elle nettoie les étagères. Après un certain temps, alors qu'elle semble commencer à devenir plus à l'aise avec nous et avec elle-même, elle nous présente avec humour, des reportages sur ce qu'elle a fait au cours de sa journée. Et Elle nous montre ce que son père a laissé derrière lui.
Tout cela serait très sentimental si ce n'était pas présenté avec une modestie criante de vérité.
Dans les longs plans de salles vides, des natures mortes d'une boîte d'ossements de son père, ou de Keiko fixant son public pendant plusieurs minutes ,(vraiment envoûtant si vous fixez son regard), Keiko desu kedo nous présente un minimalisme doux; celui qui n'est jamais empli d'austérité. On se souvient des films de Robert Bresson pour la façon dont nous sommes dirigés sur l'essentiel sans sentimentalisme ou détails superflus de caractère ou de motivation. Ce que l'héroïne du film met en valeur, c'est son passé, ses attributs physiques, ses goûts et dégoûts (comme une certaine Amélie le fera si joliment quelques années plus tard).
Lorsqu'on apprend à connaître quelqu'un, on se sent généralement proche de cette personne. Ici, nous devons apprend à la connaître simplement en vivant à travers ses yeux, en observant et en partageant autant qu'elle nous le permettra.
Ce type de film peut souvent donner lieu à de l'auto-congratulation, en se vautrant dans la tragédie fragile. Mais ici, rien de tout ça, nous avons droit à beaucoup de petites surprises, des expressions, des idées et des angles de vue. C'est un film qui retient l'attention, est magnifiquement bien rythmé, contient de belles images et de l'humour. On y sent vraiment l'énergie et la fraîcheur du travail d'un jeune réalisateur, qui livre un très beau film.