Par le biais d’un événement fantastique survenant dans la vie d’un adolescent, I Am Not A Serial Killer cherche à désavouer une forme de déterminisme social, qui étiquette et cloisonne nos identités



Grâce au cinéma fantastique, on apprend à aimer ce qui est étrange, à accepter d’être troublé par la profondeur d’un regard, dans l’image qui suit le spectacle effrayant ou dégoûtant qui hante ce regard. Dans I AM NOT A SERIAL KILLER, c’est le regard de John, dont la caméra vient capter les reflets tourmentés, juste après que celui-ci ait perçu dans le monde qui l’entoure une violence apparente, et dans les zones d’ombres de ce monde, une violence cachée, plus traumatisante encore. Certains films de genre savent donner à leurs images horrifiques ou angoissantes, la résonance du mal-être adolescent – Ginger Snaps parlait de métamorphoses dans un univers qui semblait étranger à celui des adultes, It Follows poussait son observation sur cette période égarée de la vie pour en faire un argument poétique. Le film de Billy O’Brien appartient à cette famille de monstres filmiques attendrissants.


Avant d’entrer dans l’appropriation des codes du genre fantastique, le travail de Billy O’Brien s’articule d’abord autour de la description de John, son protagoniste, autant présent au centre de l’image qu’il est en marge dans l’environnement oppressant de sa petit ville du Minnesota. John est scolarisé, encadré par sa famille, il donne un coup de main au funérarium familial, il ressemble à première vue à un adolescent comme les autres, pourtant un élément change toute la donne et conditionne son rapport aux autres, il a été diagnostiqué dans son enfance comme un psychopathe potentiel et doit ainsi être régulièrement suivi par un psy, afin de contrôler ses prédispositions inquiétantes. Dès lors, le spectateur entre en empathie avec John, et est amené à comprendre progressivement le paradoxe qui détermine sa place dans la société : certes le garçon est traversé par des pulsions meurtrières et regarde le comportement des humains avec une distance d’entomologiste, mais il n’est pas pour autant dépourvu d’un surmoi et de principes qui l’empêchent de donner raison à ceux qui s’attendent à le voir basculer dans la psychopathie destructrice.


PHOTO: Max Records, qu'on n'avait pas trop revu depuis Max et la Maximonstres


En entrant dans l’esprit du jeune homme, en suivant le rythme de ses journées de doutes et d’ennui, en percevant le monde à travers son regard ambivalent, le spectateur en vient à questionner autant ce monde qui se veut tranquille et ordonné que l’individu perdu qu’il laisse à la marge tout en lui concédant en apparence une place en son centre. La mise en scène d’O’Brien est justement pensée pour rendre compte des rapprochements puis des dissonances dans les rapports de John avec ce petit monde cruel. À la vision impudique et crue d’un cadavre en pleine séance de thanatopraxie, succède un trait d’humour noir à considérer avec distance ; à la découverte d’un événement fascinant et bouleversant, succède des plages d’errance et de silence, statiques et frustrantes. Et du même coup se joue un jeu de flux et de reflux avec l’empathie du spectateur, misant sur sa capacité à accepter les facettes multiples qu’un personnage peut adopter d’une minute à l’autre, autant que celle que peut prendre un récit par ce point de vue.



« I Am Not A Serial Killer est un monstre filmique attendrissant traitant de l'adolescence »



Puis survient l’argument fantastique apporté par le personnage de Crowley, interprété par Christopher Llyod dont on apprécie toujours la capacité à incarner des personnages à la fois sympathiques et inquiétants. La relation ambiguë qui va naître de cette situation paranormale, permet de créer une tension nouvelle, pile au moment où l’on pensait avoir tout compris de la dramaturgie et de la trajectoire de John. Mais le lien existentiel qui relie l’adolescent au vieil homme apporte également de nouvelles humeurs au film, la mélancolie et étrangement un forme d’espoir par la même occasion, preuves de la nature complexe d’I AM NOT A SERIAL KILLER. Ainsi nous sommes face à deux personnages, chacun posté au seuil du moment déterminant de sa vie, symbolisé par cette couche neige qui appesantit la ville dans un silence ouaté. Du point de vue de John, ces journées d’hiver silencieuses et immobiles ne sont qu’une preuve tangible que l’adolescence n’est qu’un espace-temps interminable et lourd ; du point de vue Crowley, le cadre enneigé est le décor des derniers jours d’une longue vie, calme, réconfortant d’une certaine façon et pourtant lourd, infiniment pesant.


On se souviendra de l’interprétation de Max Records, qui sait révéler tout au long du parcours de son personnage, ses forces autant que ses faiblesses. Malgré sa psychologie atypique et les moyens contestables auquel il a recourt face à une menace hors du commun, John fait partie de ces protagonistes que l’on ne regrette pas d’avoir suivi à la fin du récit, car il ne subit pas l’action, il y prend part, la transforme pour devenir celui qu’il a choisi d’être.


Par Arkham, pour Le Blog du Cinéma

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le 31 mars 2017

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