Au menu du jour de l'enseigne Netflix de comédies fast-food dont on oublie l'existence seulement quelques minutes après le visionnage, voici "Ibiza" !
- Prenez un sujet qui fonctionne actuellement, la virée entre copines déjantée-mais-qui-ne-l'est-en-fait-plus-vraiment-vu-qu'on-en-a-déjà-regardé-une-quinzaine-comme-ça.
- Brodez une vague intrigue autour. Ici, un voyage d'affaires en Espagne où l'héroïne flashe sur un beau DJ qu'elle tente de retrouver à Ibiza avec ses deux copines
- Servez-vous en pour enchaîner toutes les situations comiques les plus artificielles possibles en ignorant toute notion de bonne narration ou de rythme de montage acceptable (ou, dans ce cas précis, comme c'est à Ibiza, mettez de la musique sans arrêt, histoire de donner l'illusion d'une vraie énergie... enfin pas avec "Despacito", mince !)
- Si rien ne fonctionne (et ce sera le cas), prenez de bons interprètes pour tenter de maintenir un minimum à flot votre comédie ratée.
Et la recette a été respectée à la lettre ! On aura rarement vu une comédie Netflix donner autant l'impression d'avoir été écrite sur un coin de table et de pédaler dans la semoule pour décrocher des sourires dès lors qu'elle se repose sur les maigres gags qui la composent (les "meilleurs" sont d'ailleurs dans le trailer).
D'une indigence scénaristique impressionnante de constance, "Ibiza" ne prend même pas le temps de dresser un background à ses héroïnes (elles sont vaguement définies par leurs métiers respectifs) et se contente de les expédier rapidement dans un décor exotique (les filtres jaunes sur l'image sont là pour nous le signaler) où les péripéties aussi éculées que faussement trash (sexe, drogue et dialogues crus) deviennent les uniques ressorts comiques d'un film préfabriqué à l'extrême.
Mais, miracle, la dernière instruction du mode d'emploi cité plus haut a aussi été respectée et "Ibiza" est sauvé du naufrage par son casting brillamment choisi. En première ligne, Gillian Jacobs dans son rôle habituel d'héroïne moderne à côté de ses pompes insuffle une drôlerie fantaisiste et une profondeur inattendue à son personnage. Dès que la caméra s'attarde sur son regard ou que le film prend une dimension plus romantique, "Ibiza" se trouve soudain une âme et en devient étonnamment attachant. Même l'humour prend une tournure plus agréable quand ses échanges que l'on sent improvisés avec ses meilleures amies à l'écran (Phoebe Robinson et surtout la tornade rousse Vanessa Bayer, donnez vite un premier rôle à cette dernière !) prennent le pas sur la maigreur des situations écrites.
Dans cette comédie aux forts relents industriels, le naturel de la comédienne et la bonne humeur entre elle et ses camarades de jeu détonnent complètement et hissent souvent "Ibiza" à un niveau qu'il ne mérite pourtant pas.
Vivement que tout ce petit monde joue dans un film bien meilleur !