In the Earth
5.1
In the Earth

Film de Ben Wheatley (2021)

Après être passé par la case Netflix avec son adaptation de Rebecca de Daphne Du Maurier, Ben Wheatley opère un audacieux retour aux sources avec In the Earth. Film d'horreur expérimental et spirituel qui incarne la quintessence de son cinéma, de quoi ravir ses fans mais qui ne réconciliera pas ses détracteurs avec son style.


Revenant vers une déconstruction des genres comme il avait su brillamment le faire avec son Kill List, Wheatley signe un récit qui cherche constamment à déstabiliser et à déjouer les tropes propre à son genre. Lorsqu'il expose une piste qu'on s'imagine attendue et évidente, il va s'en détourner avec une intelligence rare dans un scénario qui explore des pistes de réflexions fascinantes et inédites. Pensé et développé durant la période de confinement lié au COVID-19, le cinéaste décide de créer une véritable réflexion autour de la peur pandémique inhérente à l'humanité. Abordant la pandémie sous l'angle rationnel de la science tout en y offrant un point de vue beaucoup plus irrationnel en la traitant comme une idée abstraite, incarnée par une entité indicible. Il y renoue ainsi avec son amour du folklore et fait de son In the Earth une œuvre volontairement complexe à saisir, confrontant deux organismes contraires qui cherchent à se comprendre sans savoir comment y parvenir. Abordant frontalement la question de la contagion et de la pandémie sous un angle double, ne serait-ce pas au fond l'humanité qui est le virus du monde ?


S'élaborant autour d'un récit imprévisible et stimulant dans ses idées horrifiques, qui privilégie une angoisse sourde plutôt que l'immédiateté de l'horreur, les pistes de réflexions s'avèrent constamment passionnante gagnant en profondeur jusqu'à son habile conclusion. Peu de personnages jonche son intrigue, mais chacun parvient à se montrer complexe et intéressant en plus tenu par un très bon casting. Notamment un Joel Fry d'une justesse confondante, arrivant à exprimer l'inquiétude et la douleur de son personnage avec un naturel impressionnant. On regrettera peut-être une introduction qui traîne un peu en longueurs, la première demi-heure s'avère un peu laborieuse tout comme on retrouve un twist en fin de parcours plus prévisible, cassant un peu l'audace de son scénario qui avait été jusqu'à présent bien plus insaisissable. Mais le tout est compensé par la mise en scène absolument brillante de Ben Wheatley. Aidé par une réalisation technique somptueuse, notamment la prodigieuse photographie de Nick Gillespie, accompagné aussi par le score musical étrange et enivrant de Clint Mansell, un des gros points fort de son ambiance aussi macabre qu'hypnotique. Avec son approche très sensorielle et organique, le cinéaste accouche d'images fortes et virtuoses, renouant avec la gore brutal de ses débuts et le nouant avec l'élégance expérimental de ses derniers films. Réexplorant les images kaléidoscopiques en les poussant à leur paroxysmes dans des plans d'une beauté qui laisse pantois, il offre aussi quelques idées horrifiques excitantes à travers des séquences qui mêle tension et onirisme et conjugue un traitement de la lumière et des formes remarquables. Même si certaines séquences ne seront pas à mettre devant les personnes souffrant d'épilepsie, il parvient à accoucher d'une transe filmique cauchemardesque épatante.


In the Earth s'impose sans conteste comme le meilleur film du cinéaste depuis son mémorable Kil List. Partageant sa science du gore, son amour du folklore et sa volonté de déstabilisé dans une descente aux enfers qui vire à l'abstraction horrifique, il parvient aussi à pousser les choses plus loin grâce à des réflexions actuelles et mis en œuvre de façon aussi inédites qu'audacieuses. Il est dommage qu'il cède à un twist un peu facile et qu'il peine vraiment à démarrer son récit tant la première demi-heure fait pâle figure face à la folie contagieuse qui s'immisce dans le reste du récit. Se clôturant même sur une seconde moitié virtuose et mémorable qui font de ce In the Earth un des meilleurs films d'horreurs de récentes mémoires. Loin des jumpscares faciles, privilégiant la déviance de ses personnages et de son récit ainsi que l'angoisse sourde et vertigineuse de son ambiance et ses visuelles, Ben Wheatley livre un film sans pareil. Un film qui divisera par sa complexité et sa volonté de déjouer chaque attentes, mais un qui restera malgré tout durablement en tête. Souvent la marque des grands.

Frédéric_Perrinot
8

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Créée

le 6 juil. 2021

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