Le sang des porcs
Jim Mickle est un drôle d'oiseau : scénariste, réalisateur et producteur de films de genre, il a une filmographie que certains lisent comme une tentative réussie d'innovation en termes de cinéma...
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le 1 oct. 2019
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UN CONSEIL : NE REGARDEZ SURTOUT PAS LE TRAILER ET NE LISEZ RIEN DESSUS -DONT CECI- AVANT DE LE VOIR.
Un film policier, une chasse au serial-killer, une saga familiale sur un cercle restreint de personnages et même, plus étonnant, une part de SF forcément amenée à prendre une importance capitale... Si l'on devait prendre un à un chacun des ressorts des différents genres utilisés par le nouveau long-métrage de Jim Mickle, "In the Shadow of the Moon" ne pourrait pas se targuer d'être d'une folle originalité à l'instar hélas d'une trop grande majorité de productions Netflix se contentant de recycler des recettes établies sans grandes prises de risques. Seulement, ici, il y a une très grande différence avec cette masse oubliable, c'est la qualité du moule dans lequel ces emprunts se retrouvent fondus pour construire la meilleure manière de raconter une histoire explorant la croissance d'une part sombre de l'Amérique. Alors, certes, même dans son ensemble, ne vous attendez pas à être bousculés au plus haut point par les tenants et aboutissants de "In the Shadow of the Moon", le film n'a clairement pas de velléités révolutionnaires mais il est indéniablement une proposition de SF pertinente allant jusqu'au bout de son propos, de ses choix temporels de narration et de la destinée cruciale des personnages qui y gravitent.
Étalée sur plusieurs décennies, l'intrigue se focalise sur le parcours d'un flic pris dans l'engrenage obsessionnel d'une enquête autour de meurtres apparemment aléatoires mais se répétant de manière cyclique, et ce même après avoir mis un terme au agissements du criminel supposé de la première vague. Dès son ouverture offrant déjà un sacré beau de moment de cinéma par la mise en scène travaillée de ces premiers meurtres d'anonymes, "In The Shadow of the Moon" nous emporte aisément dans l'étendue de son mystère vécu par ces policiers un brin décontenancés par ces agissements inexplicables. Tout dans les relations de Thomas Lockart (Boyd Holbrook), jeune flic se rêvant déjà inspecteur, avec son partenaire, sa femme ou son beau-frère ambitieux fleurent bon les stéréotypes mais ceux-ci nous ramènent plutôt judicieusement bien dans l'ambiance de cette reconstitution soignée des années 80 où la présence de cet agresseur est présentée comme une défaillance dans cette routine. Lorsque le temps vient pour le récit de faire un premier bond de neuf ans en avant, il apparaît clair que la vie de Thomas va rester entièrement bloquée sur cette enquête. Son entourage continuera à avancer pendant que lui va s'enfoncer toujours plus loin dans sa fixation de trouver la clé du phénomène qu'il chasse. Face à cette paralysie existentielle continuellement abordée avec les clichés policiers de ce personnage en perte de repères (peut-être même trop, surtout au niveau de son look), se dessinera peu à peu les motivations d'un adversaire qui, lui, par opposition, va à une vitesse inarrêtable à contre-sens de la logique en vue justement d'un bouleversement majeur d'une situation préétablie. En effet, c'est dans la "face cachée" des époques traversées par le cadre du film que se construit quelque chose de plus vaste, un cancer insidieux et naissant autour d'une idéologie que Mickle prend un malin plaisir à évoquer à travers des références historiques et littéraires ou encore des comportements nauséabonds amenés à en engendrer des pires. Quand le film va expliciter la teneur de ces ombres grandissantes pour la superposer à la condition du duel en train de se jouer entre Thomas et sa proie, c'est d'ailleurs là qu'il va connaître son passage à vide le plus flagrant, les contours du mystère l'ayant guidé jusque-là seront désormais connus et il semblera de fait ne plus avoir grand chose à dire sinon de stagner lui aussi comme son héros autour de ses contours avec certaines facilités (l'analogie avec les porcs notamment... bon, ce n'est pas faux, ceci dit). Mais, c'était bien vite oublier la strate plus intime du long-métrage qui viendra s'annexer intelligemment à l'ensemble dans un dernier acte conjuguant enfin tous les niveaux du récit pour en révéler l'éclat. Peut-être que certains auront vu venir ce rebondissement final mais il n'en demeure pas moins qu'il met en relief la maîtrise incontestable que Mickle n'aura eu de cesse de maintenir à un haut niveau (et sur de nombreux plans) afin nous raconter son histoire, morcelant toutes ses dimensions pour ensuite mieux les réunir dans une apogée faite à la fois d'émotion et de réflexion.
"In the Shadow of the Moon" ne restera probablement pas comme le fait le plus marquant de sa filmographie à cause de travers parfois pas vraiment subtils mais il poursuit harmonieusement les thématiques que l'on y a déjà entrevues et, si besoin en était, nous rappelle que le bonhomme est tout autant un conteur hors-pair qu'un cinéaste accompli et passionnant à suivre dans les genres où il choisit de s'exprimer...
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le 27 sept. 2019
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