On vous épargnera le préambule consistant à deviser sur l’éternel recyclage de l’industrie hollywoodienne : ce serait, à l’échelle de la critique, pratiquer en abyme ce qu’on est censé fustiger. Le cas d’Indiana Jones est néanmoins assez particulier, dans la mesure où l’écart entre les volets (19 ans entre le 3 et le 4ème de sinistre mémoire, puis 15 ans avant d’oser remettre la machine en route…) peut poser question sur la nervosité avec laquelle on aborde l’exploitation de la franchise, qui sait qu’elle doit faire ses adieux à son iconique interprète désormais octogénaire.
L’air du temps ne va donc pas se priver de la désormais quasi traditionnelle séquence de De-Aging, pour un long prologue censé renouer avec tout le folklore de la saga : on percute du nazi, on se vole des artefacts, sous un bombardement ou sur un train à vive allure, dans une esthétique qui fait définitivement basculer le film vers la cinématique de jeu vidéo.
Le scénario ne manquera pas d’exploiter, avec une ironie qui veut faire croire qu’on contrôle le malaise, toute la question de l’âge et du temps passé : Indy arrive ainsi à la retraite dans un monde qui a changé, les 60’s vouant désormais leur culte aux hommes ayant marché sur la lune ; histoire de définitivement tirer un trait sur l’épisode 4, on ajoute un petit deuil pour fragiliser le bonhomme, avant de faire fonctionner la nostalgie à plein régime dans une intrigue qui va très soigneusement cocher toutes les cases attendues par les adeptes pour aboutir à une réunion des anciens qui n’a pas d’autre intérêt que de faire scrupuleusement l’appel des survivants.
Car tout le projet se résume en réalité à cette seule contrainte : citer abondamment les volets précédents et offrir de vagues variation (des serpents en murènes par exemple), pour rendre une copie propre et qui ne froissera personne. Sur ce point, on admettra que l’opus n’a rien de véritablement honteux ou susceptible de générer de l’indignation ; le revers de la médaille se trouvera dans l’absence totale de surprise, au fil d’une intrigue qui se borne à un jeu de piste où chaque étape en annonce une nouvelle avant irruption des méchants pour contrecarrer les plans, et où les cascades se perdent dans des déluges assez indignes de pixels mal jugulés.
Difficile de trouver, dans cette rythmique martiale, de véritables occasions pour laisser s’épancher le charisme natif d’Harrison Ford et de la nouvelle venue Phoebe Waller-Bridge, d’autant que la logique toujours en vigueur de la surenchère conduit le récit vers des extrémités franchement discutables.
Il faut évidemment être honnête, en reconnaissant qu’entre l’Arche de l’Alliance et le Graal, le surnaturel et les dingueries sont monnaie courantes dans les quêtes de l’archéologue. Mais l’idée d’aller surfer du côté du voyage dans le temps n’est pas particulièrement pertinente, d’autant que tout le film est déjà un assez laborieux pèlerinage sur les terres du passé. Le siège de Syracuse mêle ainsi la laideur numérique à l’improbable le plus débridé, et renforce cette curieuse sensation de voir une débauche d’effets et de vrombissements ostentatoires générer une indifférence croissante. Le coup de poing achevant une tirade qui virait au WTF, sursaut de lucidité in extremis, rassure un peu, tout comme l’épilogue qui semble promettre d’en rester là.
Il y a cependant peu de chances que les amateurs de la saga enrichissent leur imaginaire de cet opus qui, en jouant tant la carte de la nostalgie, ne cesse de montrer malgré lui à quel point, effectivement, c’était mieux avant.