Les comparaisons systématiques avec "2001" dès qu'un film se déroule dans l'espace ayant tendance à me pomper l'ozone, je ne citerais à aucun moment l'oeuvre intouchable de Stanley Kubrick, la dépouille du maître ayant le postérieur suffisamment brillant à force de se le faire lécher depuis des années sans que j'en rajoute une couche. D'autant que la comparaison n'a pas lieu d'être, tant le nouveau film de Christopher Nolan n'entretient aucun rapport avec lui si l'on excepte une certaine ambition et des clins d'oeil plus amusés qu'autre chose.
On aura souvent reproché (parfois à raison) à Christopher Nolan une certaine froideur, comme si le cinéaste était tellement obnubilé par la complexité de ses scripts qu'il en oubliait de faire passer une des choses les plus importantes dans tout récit: l'émotion. C'est mettre bien vite de côté le fait que la majorité de ses oeuvres tournent avant toute chose autour de l'être humain, qu'il s'agisse d'un orphelin se transformant en justicier nocturne afin d'exorciser ses démons, d'un amnésique à la recherche de sa mémoire, d'une relecture du mythe d'Orphée ou de la rivalité obsessionnelle de deux prestidigitateurs.
A partir d'un ancien projet de Steven Spielberg (dont on reconnait la patte dans la première demie-heure), rédigé par son frère Jonathan d'après les travaux de l'astrophysicien Kip Thorne, Christopher Nolan parvient enfin à atteindre un haut degré d'émotion, abordant le sort de l'humanité toute entière par le biais de la bouleversante relation entre un père et sa fille. Derrière l'aspect titanesque du projet, Nolan accouche finalement d'un film étonnamment intimiste, frôlant même l'anti-spectaculaire.
Filmé à hauteur d'homme, "Interstellar" ne se prive cependant pas pour offrir des images pratiquement inédites sur grand écran, illustrant le vide spatial et l'isolement que cela implique avec une efficacité redoutable, merveille d'immersion rendue possible par la grâce d'un travail visuel et sonore remarquable. Bien qu'omniprésente, la superbe partition de Hans Zimmer est également à saluer, le compositeur donnant le meilleur de lui-même dans une sorte d'hommage (de pompage diront ses détracteurs) à Phillip Glass.
Le film de Nolan est cependant rempli à ras-bord de défauts, et il clair que beaucoup de spectateurs rejetteront l'expérience. La faute peut-être à quelques longueurs, à une surdose de dialogues parfois lourds, à un ou deux rebondissements paresseux et surtout, à un dernier acte demandant un minimum de crédulité de la part du public.
Malgré son imperfection évidente, "Interstellar" reste pour moi un film fascinant et cohérent dans sa démarche, une véritable proposition de cinéma à voir absolument sur grand écran. Et surtout, "Interstellar" est une histoire de filiation à vous fendre le coeur, interprétée avec force par un Matthew McConaughey une fois de plus impeccable.