Y aura-t-il un avant et un après Interstellar?
Bien qu'ayant au départ hésité, je pense qu'il ne serait pas très correct de sortir une critique avec spoilers aussi tôt dans la vie du film (cad: après l'avant-première nationale), il y aura donc des spoils, nécessaires afin de parler du film, mais ceux-ci seront aussi limités que possible: j'ai autocensuré mon titre dans ce but.
Je pense qu'il est important que je précise que bien que j'ai considérablement attendu Interstellar et que j'apprécie la filmographie de Nolan, je ne compte pas parmi ses fans prêts à tout pour démontrer le génie du "maître". Et plus la séance approchait plus je pensais que j'allais être déçu, en partie à cause de derniers trailers plus axés aventure que les premiers mais aussi par peur d'en demander trop. Interstellar s'est pourtant finalement révélé à la hauteur de mes attentes.
Interstellar c'est d'abord l'histoire d'êtres humains avant d'être celle de l'Homme telle que vue par Nolan. Avec leurs ambitions, leurs espoirs mais aussi leurs erreurs, leurs peurs et leurs colères. Projetés dans une société ayant atteint un point de non-retour, on découvre de nombreuses évolutions par rapport à notre mode de vie et particulièrement le rapport aux robots, parfois presque considérés comme des humains et qui vient soutenir certaines des idées abordées plus tard dans le film. Porté à bout de bras par un Matthew McConaughey qui n'en finit plus de me surprendre à chacun de ses films, le casting impressionnant tire souvent le film vers le haut malgré certains rôles en deçà: je pense notamment à Matt Damon et Michael Caine qui m'ont paru étonnamment hors du coup. Sans atteindre l'excellence de l'acteur phare, Jessica Chastain et Anne Hathaway s'en tirent pour autant toutes les deux avec les honneurs, les relations entre les trois personnages sont particulièrement bien développées et touchantes par leur réalisme.
De réalisme il faut aussi parler dans la réalisation, que ce soit par la photographie ou le son. Si les scènes sur Terre sont relativement banales de ce point de vue, l'espace est lui époustouflant. Là où il était facile de critiquer Gravity, Interstellar ne laisse rien au hasard: pas le moindre son pour les phases dans l'espace, un espace vide et noir ou encore jamais de deus ex machina. On ressent profondément la passion du sujet dans ces phases admiratives (ie: le passage proche de Saturne ou encore celui d'un trou noir) parsemées tout le long du film et qui m'ont fait regretter l'absence de 3D. (je dois cependant reconnaître être un ardent défenseur de la 3D) La musique ne vient ici rien gâcher, parfaitement dosée, elle sublime certaines des scènes les plus importantes du film et sait se faire oublier lorsqu'elle n'est pas nécessaire.
Christopher Nolan nous donne ici une interprétation du futur de l'Homme en tant qu'espèce, poussant le scénario dans des théories métaphysiques qui en repousseront éventuellement certains. En effet, si Interstellar parle de l'Homme en tant qu'espèce colonisatrice et conquérante, en le dénonçant de façon parfois grossière avec par exemple de multiples drapeaux sur des planètes inhabitables, le réalisateur a souhaité donner son interprétation propre et figurée de la théorie des cordes. Cette théorie veut que notre univers soit composée de 10, 11 ou 26 dimensions et qu'elles nous sont pour la plupart imperceptibles. Si l'on accepte ici de ne pas questionner la cohérence de ce qui est proposé, peu seraient de toute façon capable de juger de cela, la matière sur laquelle nous donne à réfléchir Christopher Nolan est sensationnelle avec des utilisations de l'espace et du temps comme futures évolutions de l'Homme.
C'est au final l'ambition démesurée du film qui empêche celui-ci d'entrer dans le clan très sélect des films changant le visage de leur médium. En effet, malgré de nombreuses idées et une réalisation impressionnante, Interstellar manque parfois d'équilibre, alternant une scène grandiose et un morceau bien plus faible, ou en étant parfois trop convenu dans ses ficelles émotionnelles. Si Interstellar est un blockbuster qui fait plus que tenir ses promesses, il est vite évident qu'il n'est pas une œuvre qui sera évoquée comme ayant révolutionné le cinéma, ou même plus simplement le cinéma de science-fiction.