Grand film de science-fiction sorti il y a juste 10 ans, Interstellar est aussi une œuvre qui interroge sur la nature fondamentale de la réalité.
À ce titre, il s’inscrit dans la filiation de 2001, Odyssée de l’espace : tout comme l’oeuvre référente de Stanley Kubrick, Interstellar est une odyssée dans l’espace qui va mener le héros, malgré lui, à côtoyer les limites de l’espace-temps dans une quête involontaire d’absolu.
Pour autant, Interstellar reste bien plus accessible. Car Christopher Nolan s’attache aussi à divertir avec une approche plus émotionnelle et des clés de lecture plus explicites.
Dans le forme, outre l’attachement à une certaine vérité scientifique et une ambition artistique comparable (image, musique), Nolan a suivi Kubrick avec une structure également en quatre parties :
* Sur terre (partie finissant dans les deux cas de façon elliptique),
* Dans l’espace, avant la rencontre avec une anomalie stellaire (respectivement le monolithe noir et le trou de ver),
* La partie centrale du film, où le héros voyage vers une ou des planètes cibles,
* La dernière partie, au-delà de l’infini avant de « renaître » dans un nouveau monde.
Signe des temps, lorsque Kubrick commençait son film par les origines de l'Homme, Nolan choisit de montrer ses derniers jours sur Terre. Car désormais l’heure est grave, l’homme en ayant gaspillé les ressources.
Dans les deux films, l’avenir se définit par rapport au rapport à la technologie mais de façon opposée.
D’un coté, dans 2001, le héros Bowman se fie initialement à une intelligence artificielle HAL qui se retourne contre lui.
De l’autre, celui de Nolan s’est détourné de la science pour redevenir fermier : face à la tentation d’abdiquer en faveur de la décroissance (son fils Tom, décrit comme borné), Nolan oppose le recours à la science (sa fille Murph, vive et curieuse). Les robots TARS et CASE d’Interstellar s’avèrent loyaux et protecteurs des humains tandis que le malheur des hommes vient d’eux-mêmes (l’astronaute nommé Mann est d’ailleurs le méchant du film).
Film métaphysique, Interstellar inscrit son discours entre la science et le religieux. Tel le messie, le héros Joseph Cooper (JC) doit sauver l’humanité en proie à ce qui ressemble à la huitième plaie d’Égypte. Il part comme Moïse à la recherche des survivants des 12 astronautes explorateurs de la mission … Lazarus, symbolisant tant les 12 fils de Jacob partis fonder les douze tribus d'Israël que les 12 apôtres réunis à la fin des temps. Joseph (le Père), son fantôme dans le tesseract (le Saint-esprit) et sa fille (le Sauveur) représentent la sainte Trinité. L’humanité se sauve grâce à une Arche de Noé moderne. Tout ça sur une bande originale jouée sur un orgue, instrument associé à la musique d’église.
Au final, au-delà de Kubrick, Nolan ne renierait pas Rabelais : « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme ».