Interstellar, c’est le film dont tout monde parle en ce moment. Que ce soit sur le site bien évidemment, mais également par vos collègues ou vos amis, vous ne pourrez y échapper. Il faut dire que cette année cinématographique a été globalement assez terne, et que les films pouvant se vanter d’une sorte de consensus général ont été rares. Bon, on a tout de même eu les derniers Anderson, Fincher, Jonze, Takahata, Dolan (et aussi le dernier Marvel, quelque part) qui ont eu un succès assez généralisé, ce qui est déjà beaucoup. Malgré tout, à la sortie du dernier Nolan, il est quelque part assez rassurant de savoir que les gens veuillent bien s’intéresser à d’autres projets que Lucy, Qu’est-ce qu’on fait au bon dieu ?, le dernier Boon, ou un énième super-héros estampillé Marvel. En gros, ça prouve qu’un projet original, qui au moins essaye de faire du cinéma, intéresse encore monsieur-tout-le-monde. Mais pas de chance pour celui-là, le film est assez décevant.

Pour commencer, je tiens à préciser que j’ai globalement rien à faire de Christopher Nolan. Je suis loin de le détester hâtivement et bêtement comme certains, n’y d’être un grand fan comme beaucoup d’autres sur le site. Non, il m’indiffère un peu : je lui reconnais des qualités, et j’aime bien certains de ses films, mais pas de quoi me rendre fou. Pour cette raison, je n’avais pas d’attente particulière envers ce film. Je m’attendais à un film « sérieux », peut-être trop comme c’est souvent le cas, mais certainement pas à un chef-d’œuvre. En revanche, je savais que je n’allais pas voir un navet non plus. Au final, j’ai eu plus ou moins raison : Interstellar n’est ni l’un ni l’autre.

La bonne chose, c’est qu’avant d’aller voir le film, je n’avais vu la BA qu’une seule fois et lu aucune critique : je m’étais donc limité le risque de me faire spoiler méchamment. La mauvaise nouvelle, c’est que je vais encore faire une critique trop longue, et qui ne ressassera probablement que des arguments déjà donnés par d’autres. Tant pis.

Le film se divise en trois parties distinctes : la première se passe sur Terre, avec Matthew et ses gosses. La seconde, dans l’espace, toujours avec Matthew, accompagnés d’autres explorateurs de l’inconnu, et la dernière raconte son retour sur "Terre".

La BA me faisait peur à ce niveau-là, mais à ma grande surprise, c’est la première partie qui m’a le plus plu. Ainsi, tout est posé pour la suite : l’univers pré-apocalyptique dans lequel vivent les humains, les détails qui ne faudra pas louper pour la suite parce qu’attention on est chez les Nolan et on ne rigole pas, et surtout, les relations de Matthew avec ses gosses, en particulier avec sa fille. Cette partie s’achève sur une superbe ellipse, mais hélas également sur le visage en gros plan de la jeune fille, toute triste et c’est un peu énervant, mais malgré tout, ça permet d’envisager une relation père-fille moins pénible que prévue. Une relation qui aura forcément son importance puisqu’à un moment, Matthew dit à sa fille, qu’en gros, les parents sont les fantômes de l’avenir de leurs enfants, et qu’un peu plus tôt, la fille dit avoir et voir un fantôme qui essaye de communiquer avec elle. N’y voyez-vous donc pas le moindre lien ? Pas très subtile donc, mais l’idée me plaît beaucoup cela dit.

C’est durant la seconde partie que mon opinion s’est gâtée. Je pourrais, en fait, résumer rapidement en disant que j’ai plutôt été convaincu par la départ du voyage (la première partie donc), et par sa toute fin (la dernière partie donc), mais que le voyage en lui-même, celui que propose le film, s’est avéré décevant dans ses grandes largeurs. Le plus grand problème, et il s’avère hélas très important, est l’absence totale d’immersion durant tout le film. Voyez-vous, je n’aime pas beaucoup plus Gravity, mais les 40 premières minutes du film de Cuaron étaient très fortes pour cet aspect. Ici, le film a beau se passer dans l’espace, l’aventure spatiale est au point mort car on ne vibre que très rarement devant ce qui se déroule sous nos yeux. Alors certes, j’étais fatigué comme souvent avant de voir le film, mais je ne pense pas que mon manque d’immersion soit dû à ça. Par exemple, on le droit à quelques arrêts sur les planètes que doivent « visiter » nos scientifiques, mais ils sont biens trop courts pour être marquants, si ce n’est celui sur la planète océanique. On relèvera d’ailleurs la stupidité du personnage d’Hathaway à ce moment-là.

Cela me permet d’aborder l’une des raisons principales de mon désintérêt global pour le film : ses personnages. Alors oui évidemment, on s’attache à McConaughey. Mais si on s’attache à lui, ce n’est pas pour l’écriture de son personnage, clairement pas. Non, c’est juste que Matthew, comme tout le monde le sait désormais, peut tout jouer actuellement. Je suis sûr que si on lui demandait de jouer un crabe sans pinces qui devrait conquérir un tigre, il y arriverait et remporterait un oscar. Bon j’avoue, ce serait clairement mérité pour le coup.
Pour en revenir à Hathaway, elle est clairement à la rue. Toujours à tirer la même petite tronche, un peu triste, un peu renfrognée. Bref, son rôle est clairement pénible de toute façon. Cela dit, c’est là où c’est paradoxal à mes yeux, car elle était de toute évidence le point fort du dernier Nolan. Il aurait pu la remercier autrement !
Les autres personnages sont assez anecdotiques, excepté la fille de Matthew, puis Chastain plus tard: Caine fait du Caine de chez Nolan, et Casey Affleck interprète un connard énervant. On relèvera là aussi le grand désintérêt que porte Matthew à son fils, durant tout le film.

Ensuite, si vous cherchez de la contemplation ou du dépaysement, vous allez pouvoir le chercher longtemps. Car oui, et je suis désolé, il ne suffit certainement pas de montrer trois-quatre scènes dans l’espace, comme celle – très réussi – du passage dans le trou de ver, ou autour de l’anneau de Saturne pour impressionner son public, ou l’immerger. Enfin si apparemment, vu la moyenne que se tape le film, mais moi ça ne me suffit pas en tout cas. J’ajouterai que pour couper l’immersion, le montage alterné entre les scènes sur terre, et celles dans l'espace, c'était bien chiant aussi.

En fait, c’est bête à dire, mais je ne comprends tout simplement pas ce qu’il y a d’intéressant dans la quête spatiale que décident de nous montrer les frères Nolan. Rassurez-vous, je comprends en quoi cette quête aurait pu et dû être fascinante, mais je ne comprends pas pourquoi ils décident de nous la montrer de cette manière-là. Ce qu’il y a dans la tête des frères Nolan ne peut pas être intéressant, car tout est trop didactique, c’est une évidence. En résumé, la pseudo quête spatiale que l’on était en droit d’attendre se résume à des dialogues entre les personnages à l'intérieur des vaisseaux, donc on profite pas franchement des "extérieurs". C’est là que je constate, une fois de plus, que les Nolan et moi ne sommes pas fascinés par les mêmes éléments : la peur de l’inconnue, ça vous dit quelque chose les gars ? Ce sentiment de perdition, d’infiniment petit, d’infiniment grand ? Et là vous allez me dire que je dis n’importe quoi, qu’on parle de tout ça dans le film. Oui je suis d’accord : on en « parle », mais on le montre jamais. Jamais rien, ou presque, n’est montré par la mise en scène en tant que telle (et bim).

Bref, ne vous attendez surtout pas à un film sensoriel, non ici tout est théorisé. Pour preuve, une fois de plus, les personnages parlent trop, comme si Nolan voulait absolument tout expliquer : tu vois, on va faire ça parce que patati patata, et ça ressemblera à ça. « Tu vois, hein tu vois ? T’es sur, je peux te réexpliquer sinon ? » Malgré tout, je suis surement un idiot, car j’ai pourtant trouvé certains dialogues imbuvables.
C’est avant tout personnel, mais Interstellar me prouve une fois de plus ce que j’ai toujours pensé de Nolan, et qui m’empêche peut-être d’adhérer totalement à ses films : il fait des films de S. Des films qui se veulent à tout prix rationnels. Moi j’attends qu’on fasse des films pour les ES ! Non sérieusement, je me rappelle au lycée, tous mes potes de S étaient des fans de Nolan. Mais pour moi, c’était tellement logique que ça leur plaise ! Vous leur faîtes un tour de magie, ils chercheront tout de suite le pourquoi du comment. J’veux dire, on cherche tous à le savoir, mais en principe on prend le temps d’être émerveillé. Et bien pas eux. True Story. C’est un peu les mêmes où si vous leur montrez un film de Lynch, ils ne l’aimeront pas car ils n’y auront rien compris. "On ne comprend pas donc c’est nul."

Je change totalement de sujet, mais c'est aussi dommage que Nolan fasse la même erreur que Cuaron pour son Gravity, à savoir qu'il se la pète en mode "attention moi je suis un vrai, et donc je ne mets pas de son dans l'espace, mais je te fous mon OST dans la tronche les 3/4 du temps" ET DONC ÇA REVIENT AU MEME MON GARS ! Heureusement, j’ai plutôt bien aimé la BO, bien qu'un peu trop présente, mais moins insupportable que dans Gravity. Je crois que Zimmer n’avait rien pondu d’aussi inspiré depuis bien longtemps. En fait, je me rappelle que du thème principal à l’orgue, vu que j’ai eu l’impression de l’entendre 150 fois. M’enfin il fait son effet, ça dégage quelque chose d’un peu... Biblique ? Fataliste ? Je ne sais pas comment dire.

Sinon, le film aborde différents thèmes importants, mais je n’aborderai que les plus importants car j’ai oublié pas mal de trucs depuis mon visionnage, et que ma critique vous gonfle déjà. Et que ça m'arrange aussi. Puis vous penser vraiment que ceux qui mettent 10 pensent aux défauts, hein ? Ces thèmes se manifestent en particulier par le personnage de McConaughey, qui devra choisir entre ses préoccupations personnelles, et celles des générations futures. Et pour cette raison, il y aura tout au long du film, ce contraste entre le petit et l’immense : soi-même (son présent, donc la mort) et les autres (le futur, et donc la vie), la terre et l’espace, le vaisseau et le reste de l’espace, le père et ses enfants, le progrés et son inverse ( ?) symbolisé par la science et l’agriculture, sorte de retour primitif. Bref, les échelles varient sans cesse.

Toujours dans ce même ordre d’idée, la notion de temps est également importante, car il y a toujours un décalage important entre nos scientifiques dans l’espace, et les habitants de la Terre. Même dans l’espace, ce contraste se retrouve toujours. Ainsi, lorsque McConaughey, Hathaway et Bentley prennent le risque d’aller explorer une autre planète – la planète océanique - une seule petite heure là-bas signifiera plusieurs années perdues. Et donc, lorsqu’ils rejoindront leurs autres collègues dans l’espace, ceux-ci auront vieillit, mais pas eux. La notion de temps se perd, se mélange sans cesse.
Bref, ça c’est intéressant, et d’ailleurs, quand nos personnages reviennent de la planète mentionnée juste au-dessus, ça ouvre la scène la plus émouvante du film : Ainsi, après une vingtaine d’années d’absence (23), ils écoutent tous les messages qu’ils ont loupé depuis le temps. Déjà, la scène est très joliment pensée car ça ne sort pas de nulle part puisque les messages vidéos ont déjà de l'importance à ce moment du récit, et que ça permet de creuser la thématique du temps qui passe de manière très frontale, très dure.
Alors, si on y ajoute un McConaughey des grands jours, forcément la scène fonctionne très bien. Même le siège à ma gauche commençait à être ému.

Pour s’opposer à tous ces contrastes, Nolan choisit donc d’opter pour l’amour (père-fille en particulier) : peu importe l’âge, les époques etc, il traverse le temps. Il y a d’ailleurs une scène, dans la dernière partie, où le personnage principal, adulte, revoit sa fille, vieillissante dans un lit d’hôpital. On n’est pas loin de Benjamin Button ! Bref, c’est touchant par nature là aussi, mais un peu trop appuyé : la musique est toujours là, rappelons-le.
Bon, le problème, c’est que Nolan dicte trop cette thématique-là, au cas où elle nous aurait échappé au début du film: le personnage d’Hathaway annonce clairement l’intention du cinéaste lorsqu’elle avoue vouloir se diriger sur la planète Edmunds, car elle était amoureuse du bonhomme du même nom, et qui au final, donne une scène qui ne débouche sur rien d’intéressant, car bâclé.
A la fin, McConaughey nous dira qu’en gros, l’amour est plus fort que tout, qu’il ne serait jamais rentré si sa fille ne l’aimait pas tant (enfin un truc dans le genre), alors qu’à ce moment-là on n'a déjà tout compris, et qu’en plus il y a eu le passage des diverses dimensions temporelles, qui nous expliquait, que dis-je, nous rabâchait, que « le fantôme de la gamine, c’était en fait son père ». Bon c’est mignon je ne dis pas, mais c’est lourd quand on te le surligne autant.

Là où le bât blesse tout particulièrement, c’est vraiment à partir de l’intervention du personnage de Matt Damon/Mann. Bien trop longue et inutile à mes yeux. Vous l’avez forcément constaté, jusqu’à présent j’ai évité les comparaisons avec 2001 de Kubrick, mais pour moi, Damon c’est un peu l’alter-ego du HAL de 2001. Je m’explique. Tout comme le célèbre ordinateur que l’on trouve dans le Kubrick, Mann s’avère coopératif au début, et assez vite, il s’avère qu’il cache « quelque chose ». Mann a un esprit de survie, de sauvegarde qui le pousse à vouloir éliminer tous les membres de l’équipage, pour des raisons bien à lui (il sait des choses que les autres ignorent ? Je ne sais plus..). C'est le "méchant".
Autre référence évidente au Kubrick : le « Hal » version Nolan, TARS, qui m'a fait rire lors de sa première apparition, lorsqu’il interroge McConaughey au QG de la Nasa. Je le trouvais assez ridicule en fait. Le bon côté, c'est qu'il emmène un peu d’humour dans le film par la suite. D’ailleurs, contrairement à ce que l’on pouvait craindre, le film bénéficie de touches d’humour régulières.

Enfin, là où j’ai eu le plus de mal, c’est lors de la scène de la « bibliothèque » à la fin du film, où Matthew, dans la 5ème dimension, observe sa fille via un kaléidoscope. En plus de trouver tout cela invraisemblable et surtout très moche, ça me comporte une fois de plus que ce qu’il y a dans le cerveau des Nolan ne m’intéresse pas.
Nolan la joue un peu métaphysique, mais il n’a pas grand-chose à dire, surtout en comparaison de Solaris, que j’ai découvert cette année, et avec lequel il partage des points communs.
Sans oublier qu'on ne nous dit même pas comment McConaughey est rentré sur "Terre" (en orbite autour de Saturne, pour les puristes), et on nous parle jamais frontalement de leur foutue équation. Faut croire qu’à force de vouloir tout expliquer encore et encore, on finit par trouver des limites, hein…

Et puis, même si ça reste secondaire, au niveau casting on se croirait presque devant le dernier Wes Anderson, avec tous ces acteurs connus qui n'ont que quelques scènes…

Interstellar n’est donc pas un mauvais film, mais un grand film raté de mon point de vu. Trop ambitieux probablement, trop prétentieux aussi.
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le 10 nov. 2014

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