D'abord, je recommande d'aller voir ce film. Très beau spectacle.
Mais je suis assez fasciné par le décalage entre l'avalanche de moyens techniques impressionnants pour mettre en scène avec des images magnifiques (scène du trou de ver) une narration alambiquée à grands coups de dilatation du temps et autres joyeuseries simili-scientifiques, et le n'importe quoi total du scénario.
- PLEIN DE SPOILERS -
Plantons le décor. Y a Matthew McConaughey qui se trouve au milieu d'un trou noir. Au lieu d'être carbonisé, puis transformé en fil infini avant d'être pulvérisé, le voilà dans une espèce d'entre-dimension contiguë à la chambre de sa chiarde, démultipliée à l'infini.
Dans un premier temps, on se dit que le mec fait un bad trip aux acides, ça s'est déjà vu au ciné. Mais v'là t'y pas qu'en toute décontraction du gland, Mattou explique à son pote robot-monolithe :
"Mais HAL (ndlr : je me rappelle plus du nom du robot), tu comprends pas ? C'est pas des êtres en cinq dimensions qui nous ont amené là ! C'est nous qu'on a fait en sorte dans le futur qu'on se retrouve là pour trouver la clé de la formule quantique qui va sauver le monde !"
Ça veut dire que dans un futur lointain, y a une bande de mecs qui ont fait une réunion comme ça :
"Bon les gars, j'ai une idée pour sauver le monde (qui est déjà sauvé puisqu'on est tous là, mais cherchez pas à comprendre). En fait, on va utiliser notre technologie du futur lointain pour faire en sorte que, dans le passé, y ait un gus qui fasse une expédition interstellaire pour sauver le monde, mais en fait ça va foirer, et on va faire en sorte de le précipiter dans un trou noir qui passe par là, comme ça au milieu du trou noir on va le foutre dans une représentation tridimensionnelle de la cinquième dimension pour qu'il communique avec sa fille trente ans plus tôt et qu'il lui donne en morse trente ans plus tard avec la petite aiguille d'une montre la formule mathématique qui va sauver le monde."
"Eh mais putain Roger, faut que t'arrêtes les Chocapic au LSD."
Comme d'habitude, Christopher Nolan construit un truc complètement aberrant, tellement incompréhensible qu'on perçoit même plus que ça n'a ni queue ni tête (du coup tout le monde pense que c'est super intelligent) au profit du spectacle.
Concept somme toute intéressant, tant qu'on n'est pas, comme moi, un gros chieur rabat-joie à l'affût du moindre manque de rigueur scénaristique.
Après je parle pas des erreurs de bases, par exemple quand Matthew revient dans la civilisation, il va voir sa fille casser sa pipe, par contre son fils, rien à battre s'il est encore vivant ou pas.
Et même au tout début, le fait qu'il prenne une décision quand même TRÈS rapide de quitter ses enfants pour aller à des années-lumières d'ici, sans même s'être rencardé sur les effets de la relativité sur le temps, ou en pensant tout simplement qu'il va rentrer le surlendemain après avoir exploré une paire d'exoplanètes, trankil.
Ou bien des fautes de goûts que Chri-chri ne peut pas s'empêcher de glisser ici et là, telles que la tirade finale de la vieille Murph couplée à de la musique qui t'explose les tympans : "OUR HOME."
MAIS TA GUEULE LA VIEILLE. TU RUINES TOUTE LA VIBE DU FILM.
Quoiqu'on fusse déjà servi jusqu'alors concernant les morales pseudo-philosophiques qui sentent la crotte.
Bref, Christopher Nolan ne change pas. Comme avec le Prestige (dont le scénar est à peu près crédible) ou Inception, c'est la même formule : branlette narrative qui n'a aucun sens donnant lieu à un gros spectacle visuel qui joue un max sur les déformations de la réalité, saupoudré d'un peu de morale con-con.
Moi ça me va, p'tit 7/10 posé, mais faut vraiment mieux camoufler le procédé.
Christopher Nolan c'est un peu comme Michael Bay, sauf que quand il était gamin, au lieu de juste jouer avec ses jouets en faisant des bruits d'explosion postillonnés, il faisait discuter ses Action Man à propos de théories de la physique quantique et de psycho-neurologie qu'il avait lues vite fait sur Encarta.