Ce film était attendu comme le messie par beaucoup, Christopher Nolan a ce pouvoir quasi hypnotique pour mobiliser les foules, ce réalisateur m'a toujours laissé assez indifférent et ses derniers longs métrages ne m'ont pas plu du tout, son "Interstellar" était donc en quelque sorte un défi et j'étais prêt à lui laisser une seconde chance.
Déjà la première partie sur Terre m'a grandement convaincu, d'habitude j'ai du mal à rentrer dans ses films mais là le côté intimiste et familial est rendu de manière à ce qu'on adhère tout de suite au personnage de Cooper (Matthew McConaughey), ancien ingénieur en astrophysique reconverti en cultivateur, la planète est sujette à la péremption des récoltes et à des tempêtes de sable, le cadre retranché fonctionne, le fait qu'on se focalise sur cette famille en particulier dans cet endroit précis de la planète trouvera sa cohérence dans le début de la seconde partie.
En tout cas on constate déjà la qualité de l'esthétisme et on se dit inévitablement que les plans spatiaux devraient envoyer du lourd, je reproche souvent à Nolan ses faiblesses de metteur en scène et à Zimmer sa récurrence dans ses thématiques musicales, mais ici des efforts ont été fournis, même si c'est encore loin d'être parfait, quelques dialogues pouvaient allègrement se passer de fond sonore, mais ça passe bien, d'ailleurs le tout est relevé par le talent et le charisme de McConaughey, qui est véritablement parfait du début à la fin.
Le premier défaut que j'ai remarqué ce sont des petits soucis d'écriture et des raccourcis scénaristiques évidents, par exemple la scène du départ de la ferme de Cooper et le décollage de la fusée sont littéralement enchainés, c'est quand même très bizarre, le gars n'a pas droit à un programme d'entraînement et d'être sérieusement briefé sur la mission ? Non, Nolan ne s'attarde pas là dessus et le rendu est un peu trop abrupte et manquant de bon sens, c'est dommage, car en plus à l'avenir il ne manquera pas de s'attarder sur des séquences qui ne méritent pas véritablement un intérêt particulier.
Contrairement à ce que pouvait laisser imaginer les diverses bandes annonces la vision de l'espace n'est pas si grandiose, les comparaisons à "2001" sont totalement infondées, les films sont diamétralement différents et n'abordent pas les mêmes thématiques. "Interstellar" s'intéresse au rôle de la gravité et de la relativité via l'espace temps pour traverser des trous noirs et atteindre une galaxie alternative pour explorer des planètes habitables et ainsi sauver l'avenir de la population terrestre, son film est très axé sur la science et tente d'élaborer des théories, c'est louable, même si par moment Nolan veut volontairement perdre son spectateur, il faut vraiment s'accrocher en fait car si on manque d'attention on peut passer à côté de différents éléments narratifs, pour ma part cela m'a intéressé même si quelques dialogues sont un peu bourratifs (notamment celui entre Cooper et Brand après l'incident sur la planète d'eau).
Parfois les personnages, notamment les scientifiques de la NASA, manquent un peu d'humanité, on essaye de légitimer le fait que l'instinct de survie personnel n'est plus primordial par rapport à l'intérêt de la population terrestre, c'est pas super convainquant mais propose une vision humaniste non négligeable, ça passe, d'ailleurs j'avais des craintes concernant le robot TARS, surtout au niveau du concept, mais on réussi à s'y attacher.
Plus le film avance plus les enjeux grimpent en flèche, orchestrés par cette bande son vraiment brillante, Zimmer a lâché ces trombones et ça fait du bien, la tension de la partie sur la planète glacière contrastée avec celle qui se déroule sur Terre est virevoltante et tout à fait prenante, on est obligé de s'agripper à notre siège. S'en suivent quelques scènes et plans impressionnants de technique, d'ailleurs Nolan a respecté le fait que l'espace est assourdissant de silence et ça rends bien, good.
(Attention spoil !)
Pendant une majeure partie du film le scénario insiste bien sur les distorsions de temps, la deuxième partie surtout, la dernière demi heure et le passage dans Gargantua pour décrire ce couloir en cinq dimensions est franchement tiré par les cheveux, il faut un sacré recul pour adhérer, mais vu les efforts fournis par le réalisateur j'ai coopéré, on relie les points et détails énigmatiques et on se laisse prendre au jeu.
Le final est plus ou moins réussi, je ne peux pas totalement le valider mais au moins l'émotion est au rendez vous et c'est le principal, on ne tombe pas dans le pathos vulgaire car l'élaboration des sentiments est construite de manière ponctuée avec des moments saisissants. Ce qui me faisait le plus peur, et d'ailleurs je l'ai un peu ressenti avant les dernières minutes, c'est que Nolan loupe sa conclusion en nous laissant sur une entourloupe à la "Inception", mais non il n'exagère pas en nous balançant un twist, préférant nous laisser sur un ultime plan mesuré et rempli de sens.
"Interstellar" m'a un peu réconcilié avec Christopher Nolan, son film est réussi, on est certes loin du chef d'œuvre mais il est parvenu à remonter la pente après son "Rises" loupé, un long métrage très scientifique malicieusement couplé à des théories rêveuses mais qui ne manque pas d'émotion. Défi réussi monsieur Nolan.