On se trompe beaucoup sur "Into the wild". On le prend souvent pour un beau film sur la nature, les grands espaces, le rejet du capitalisme. Ces ingrédients sont très présents, évidemment, et contribuent grandement à la beauté de cette production, superbement réalisé par Sean Penn. Mais ce film est avant tout une réflexion sur la réponse à apporter à nos souffrances intérieures, sur la façon dont la vie mérite d'être vécue pour qu'elle prenne du sens.

(légers spoilers dans la suite)
Chris est un garçon qui subit dès l'enfance la violence d'un père, par les coups, les mots, l'indifférence. Mais aussi, et surtout, par le mensonge. Non, LE mensonge, plutôt : il comprend assez tôt que le mariage soit disant idyllique de ses parents est un mythe, une illusion, qu'ils se sont mis ensemble au moment de sa naissance, que finalement lui et sa jeune sœur ne sont que des bâtards, et que sa venue au monde était le signe de la destruction de l'enfance d'un autre. L'indifférence avec laquelle son père entretient ce mensonge insoutenable, son matérialisme exacerbé, ajoutent au mépris qu'il lui portera désormais.

La rébellion de Chris est donc avant tout tournée vers son père et l'image qu'il en a, une forme de soulèvement contre la tyrannie et l'hypocrisie parentales. Elle est explosive, incontrôlée, pilotée uniquement par ses émotions incandescentes. Si son père avait été moins matérialiste, elle aurait sans doute pris une autre forme ; mais nourri en plus par ses lectures idéalisant les grands espaces, la nature sauvage, avait-il seulement le choix ? Le film n'est que le récit de cette fuite, de ce refus de regarder sa douleur en face, de cette forme de lâcheté totalement compréhensible. Il ne discernera que trop tard que ce n'était pas la bonne réponse à apporter à sa douleur intérieure, que de toute façon la vie, même en ermite près des plus beaux paysages au monde, ne mérite pas d'être vécue si elle n'est pas partagée.

On perçoit également dans le film le changement que sa fuite a provoquée dans l'attitude de ses parents, même s'il n'a jamais pu l'observer. L'analyse introspective a laquelle ils ont du se livrer, et la forme de "repentir" à laquelle ils parviennent (qui, quelque part, légitime ou du moins excuse sa fuite), se payent au prix d'une détresse innommable. La réalisation du film s'est faite, nous dit-on, avec le soutien de ses proches, ultime preuve de leur honnêteté retrouvée.

La leçon est tragique. Ce grand film nous invite au courage d'affronter nos blessures et d'assumer nos erreurs, pour que nos vies et celles de nos proches, si chères, ne soient pas broyées en vain.
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le 22 nov. 2013

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