Amis pour la vie
Le ton est définitivement celui de la comédie mais une comédie teintée de l'émotion d'une rencontre pas comme les autres, où deux êtres que tout semblait opposer se trouvent, se découvrent et se...
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le 8 janv. 2012
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A en croire la vague médiatique, très peu relayée dans mon entourage, le succès de ce film proviendrait du souffle humaniste qu'il dégage. Une bouffée d'air frais pour les asthmatiques que nous sommes.
De qui se moque-t-on ? De quel humanisme parle-t-on ? Quel est ce visage si humain qui fait, d'un seul coup, qu'une oeuvre devient un mouvement collectif plutôt que la bête somme de nos comportements individuels ?
Au temps de Bienvenue chez les Ch'tis, on vous a dit : "C'est la crise alors les gens ont besoin de rire, de penser à autre chose qu'à leurs misères !" Cela avait tendance à me faire rire en toussotant. C'est comme si on me disait : "Ouvre la bouche, ferme les yeux, tu verras ça glissera mieux" (1). C'est du Saindoux pour faire passer la couleuvre.
Le premier qui me dit : "C'est la crise, les gens ont besoin de se serrer les coudes, de se réconcilier, de faire preuve de solidarité dans l'adversité". Cela aura tendance à me faire tousser en riant. Dans mon rire, je murmure : les efforts c'est mignon mais tout dépend d'où on les fait. Cela tombe à pic puisqu'on va parler handicap !
Où commence le cliché ?
Où finit la caricature ?
La caricature me fait rire mais la démagogie couplée au mensonge me mettra mal à l'aise pendant tout le film. Je ne décollerai pas une ride autour de mon sourire. Ce croisement des rêves sous-prolétariens et des possibilités d'un riche héritier a plutôt tendance à me mettre en colère. Et sans mauvaise interprétation.
Il est assez facile de prendre ce film pour une propagande. Où a-t-on vu qu'un jeune homme à la personnalité sans gêne et franc du collier devait systématiquement être représentatif de l'archétype de la jeunesse des quartiers populaires de français immigrés ? Cet archétype provient de la conscience collective. Mais de quelle conscience collective ? Qui va payer son ticket de cinéma ? Qui va payer 10 balles pour voir quelque chose qui va caresser son consommateur dans le sens du poil ?
Ce n'est certainement pas la jeunesse de ces quartiers ! J'ai causé de ce film avec un gars en bas de chez moi. Il a trouvé ce film honteux. C'est toujours la même rengaine, le même racisme ordinaire. Là, je l'ai repris, ce n'est pas du racisme. Il m'a rétorqué que oui, c'en était : un type dont on se joue de ses défauts et de ses qualités parce qu'il provient d'un autre milieu - tout ça pour faire le dynamisme d'un film millionnaire, c'est une bouffonnerie pour faire rire le maître. Et ici, j'en ai conclu que la démagogie d'Intouchables répondait aux attentes d'une petite-bourgeoisie heureuse à l'humanisme condescendant.
Et je pourrais certainement tenir la même considération du point de vue du personnage de Philippe.
Nous sommes très loin de l'humour des caricatures mais nous nous trouvons véritablement dans une machine de guerre idéologique qui soumet, systématiquement, de manière harcelante, une vision étriquée et honteuse sous couvert de l'humour. J'ai tendance à trouver ces films dangereux et misérables. "Les gens" oublient un peu trop souvent que le cinéma est un art total de masse.
Et j'entends là trois objections :
Oui mais la question de l'art dans le film, Driss ne se joue-t-il pas de la bourgeoisie en ramassant une dizaine de milliers d'euros avec sa singerie ?
Premièrement, il faut bien avoir en tête que Driss n'a pas l'idée de vendre.
Deuxièmement, il aurait pu très bien se passer que cette somme soit gardée dans les mains de Philippe.
Troisièmement, l'argent sans capital social et culturel ne sert qu'à la consommation.
Oui mais la rousse que Driss cherche à coincer, n'est-ce pas une ouverture dans les consciences à propos de l'union homosexuelle ? Oh ! Mais c'est une plaisanterie là !
Oui mais la question du cannabis dans le film ne met-il pas en oeuvre une forme de progression dans les moeurs ? Certes, l'aristocrate tire sur un spliff mais d'où vient la drogue ? Qui a l'idée que l'aristo fume ? Driss répond avec son expérience et ses déterminismes à des situations données : il n'y a aucun progrès à penser cela. Et pour trouver de l'humour dans ce fourbi à la S.A.V., fait de vannes entre potes, faut se lever tôt !
Des potes ! C'est parce qu'ils sont potes !
Le voilà, le valeureux, le grand, le magnifique humanisme ! Le même que dans "Neuilly sa mère !"
Faire fi des différences.
Faire fi des handicaps en se disant que Philippe aussi bien que Driss sont handicapés. Même Omar Sy va devenir un handicapé professionnel à force de jouer les potes clichés. Et vous allez voir que, d'ici très peu de temps, Sy jouera les Tchao Pantin dans des films auteuriste-mais-pas-trop.
Dans Amour, l'auxiliaire de vie était congédiée pour son inconscience et ça faisait pleurer. Ici, l'inconscience de Driss envoie au diable l'empathie et est sensée faire rire. Le film ne dit rien sur ce rôle mais s'en sert comme prétexte d'un tandem qui va dans le même sens, dans la vertueuse et nauséabonde optique de la réconciliation nationale ! - histoire d'attendrir le coeur des petits-bourgeois et des sous-prolétaires avec des comptines de marchands de sable. Egalitarisme et illusion populaire.
Où est l'humanisme quand les déterminismes se perpétuent bien au-delà de cette expérience ?
Chacun vit son expérience et ses besoins, chacun son handicap mais... une personne pauvre reste une personne pauvre - même quand elle commente un tableau ou qu'elle joue dans la cour privée des héritiers de la République.
"Liberté, Egalité, Fraternité". Ce film trouve sa fraternité dans les inégalités, car si elles n'étaient pas aussi présentes, Driss ne saurait être ce qu'il est, et ce Philippe n'aurait jamais pu vivre une pareille épopée. hé bien, je le dis : il n'y a ni humour ni humanisme à cela. Si l'humanisme se résume à comprendre l'autre dans ses différences (ce néo-racisme qu'on appelle le différencialisme), autrement dit si cet humanisme ne se donne jamais les moyens et la décence de réajuster ses propres comportements, cet humanisme-là n'en est pas un.
Un humanisme qui se lave les mains et qui fait de son sourire une invitation à la condescendance n'est pas un humanisme.
Un humanisme où chacun reste dans ses cases n'en est pas un.
C'est une propagande aimable.
Ensuite... Que l'effet de distraction que cette propagande a eu sur près de 20 millions de personnes montre simplement son efficacité - efficacité qui, je l'avoue, exacerbe et cadre la virulence de cette critique. C'est tout à son honneur si le porte-feuille des producteurs s'est bien rempli mais pas il n'a rempli mon coeur et ce, pour des raisons objectives... et populaires.
EPILOGUE de Février 2017
Que vois-je ? Un remake américain avec Bryan Cranston dans le rôle de Cluzet ? Décidément...
"Intouchables" est le film idéal pour amadouer les consciences petites bourgeoises en plein doute face aux émeutes de Ferguson, pour ne citer qu'elles, et face à l'échec Obama. Je déteste toujours autant ce film du mythe du gentil sauvage de banlieue. Je déteste son humanisme qui met les inégalités sous le tapis. Ça ne fait sourire que les "humanistes" blancs et les socialistes en mal de justice. Je ne suis donc pas étonné de ce remake propagandiste.
(1) Propos tirés d'une chanson de Serge Gainsbourg, chantée par Régine.
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Créée
le 19 déc. 2012
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