Blind fate
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le 22 sept. 2020
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On suit l’histoire de Cecilia Kass, interprétée par Elisabeth Moss qui nous offre une prestation remarquable. Le personnage féminin sort d’une relation toxique avec son ex-partenaire, Adrian, un riche génie de l’optique, qui semblait être un maniaque du contrôle, de chez qui elle s’est enfuie. Vivant dans une paranoïa constante, Cecilia apprend alors quelques semaines après son départ la mort d’Adrian et semble être enfin libérée de son emprise. Mais des éléments étranges vont alors se produire suite à ces évènements. Cecilia semble encore ressentir la présence de son ancien bourreau.
En effet, la promotion d’Invisible Man est presque mensongère, le film n’étant pas horrifique. C’est plus un thriller psychologique, qui nous fera angoisser certes mais pas « flipper ».
Le réalisateur fait exister la présence invisible par la mise en scène très soignée qui, par les raccords regards et les champ-contrechamps entre le personnage féminin et le vide, nous fait ressentir une angoisse. Mais aussi par la caméra qui semble toujours se déplacer dans le dos des personnages ou se poser en coin de porte pour les observer.
Le long-métrage utilise quelques codes du cinéma d’horreur comme le jump scare, mais n’en n’abuse pas beaucoup, ce qui est bien. Il y a d’ailleurs un jump scare qui fonctionne très bien à un moment du film, la scène dans le grenier.
Je retiendrais surtout certaines scènes de tensions très bien construites. Je pense à la première scène du film qui pose son ambiance directement sans aucuns dialogues et qui arrive à nous faire ressentir toute la nature de la relation qui unit Cecilia et son compagnon. Mais aussi la scène du restaurant entre Cecilia et sa sœur qui est avec surprise délicieuse dans son exécution et son apothéose.
Ce film est un retour au fantastique originel, c’est-à-dire un élément surnaturel survenant dans le quotidien, tout en amenant le spectateur à douter de la vraisemblance des événements et de l’équilibre mental du protagoniste. Mais je trouve qu’il n’y pas assez de mystères laissé en suspens. On sent quelques ressorts scénaristiques comme le procédé d’invisibilité ou les réelles motivations de certains personnages. Le film ne laisse pas assez de place au doute, perdant ainsi peu à peu son intérêt psychologique. Même si je pense que c’est une volonté du réalisateur de donner assez vite raison à son personnage principal, car l’enjeu principal du film n’est pas de savoir si elle est folle mais si les autres arriveront à la croire. Et cette nuance s’applique au message sous-jacent du long-métrage.
Le film est une bonne lecture du cheminement des femmes victimes de violences physiques et psychologiques, le tout par le prisme du fantastique et de la science-fiction. Tout au long du film, il y a une volonté d’enfermer et d’isoler Cecilia autant dans son esprit que dans son environnement. C’est celle d’un « pervers narcissique » comme le décrit si bien Cecilia en parlant de son ex-compagnon. Le but du film est donc d’amener cette femme à s’exprimer mais surtout à exprimer la vérité qu’elle soit inimaginable ou non. Mais aussi à combattre des forces donc invisibles, intangibles et presque impossibles à combattre. On peut alors les associer à celles des puissants de l’ombre (ou non), des médias, des gouvernements, des anonymes sur le net, des mœurs sociétaux, auxquelles les victimes d’agressions ou d’harcèlements peuvent faire face.
C’est donc un film très moderne. Dans son propos mais aussi dans son adaptation de L’homme invisible. On sent que Leigh Whannell a tout construit autour de ce problème de société qu’est le harcèlement, la maltraitance conjugale et la libération de la parole. Ce n’est pas juste un élément secondaire du film rajouté pour surfer sur l’actualité ou être dans la veine de la triste réappropriation du féminisme par le cinéma hollywoodien qui semble n’en faire qu’une « mode », dénaturant ainsi le mouvement #MeToo (entre autres), tout en lui donnant une valeur « périssable ».
Il y a enfin une réelle progression psychologique du personnage, qui arrivera au fur et à mesure des péripéties à se trouver une force admirable. Elle n’abandonnera jamais. Et la fin offre à Cecilia un renouveau de son être, peut-être condamnable mais semblant nécessaire.
## Conclusion ##
Invisible Man est un film fort sympathique même s’il ne bouscule pas son genre. Il a le mérite de traiter d’un sujet important dans un genre audacieux. On regrette néanmoins une forme pas toujours satisfaisante.
Créée
le 4 mars 2020
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