Premier film de l’irlandais Billy O’Brien, Isolation est un produit horrifique ambivalent, avec des airs de croisement entre Black Sheep et le Del Toro des débuts (Cronos, Mimic). L’atmosphère est très grave, très sombre ; Isolation est brillant sur ce point, arrivant à fournir ‘la marchandise’ optimale tout en cultivant son propre style. En même temps le contenu, au fond et dans les détails, relève plutôt de la gaudriole ; et celle-ci n’est ni premier degré, ni mise au centre des affaires. Isolation instrumentalise des sujets lourds et extrêmement porteurs sans s’engager envers eux ; il en tire la matière à ses fantaisies sans sacrifier à la froideur implacable qui a été installée.
Le film pêche en préférant appuyer que se diversifier ; la bande-son notamment est redondante et verse dans la caricature. Le couple du camping-car, les attitudes du fermier et notamment ses postures morales, ont toujours quelque chose d’improbable, qui se défend sur le papier mais paraît trop décalé dans les faits. Les arguments comme les explications sont vaporeux. Pourtant Isolation reste intelligent dans sa façon de traiter la contamination (et devrait notamment charmer les amateurs du gore australien, potache ou non). O’Brien et son équipe invoquent les fantasmes sur le sujet pour donner de l’envergure à un dispositif casse-gueule : nous sommes à l’aube de la catastrophe pour tous les vivants, alors que tout ceci se déroule dans une petite ferme.
Cet équilibre entre des moyens faibles et de fortes ambitions, un cadre restreint et une perspective universelle, est tenu ; Isolation est toutefois mieux exécuté et mûri que puissant comme spectacle. C’est une démonstration de talents à laquelle il manque une colonne vertébrale, ou une source désinhibée ; c’est un grand corps en manque de greffes. En attendant le travail impose le respect à défaut d’enthousiasmer, y compris concernant les personnages qui savent être rendus sympathiques malgré la légèreté de leur conception. Les effets spéciaux, rares mais éloquents, sont supervisés par Bob Keen (Hellraiser [et consultant pour ses deux suites], Highlander, Event Horizon) ; les animatroniques (le numérique est banni) sont des embryons décharnés (parfois carrément de petits squelettes animés) prenant une place d’honneur dans la famille des monstres post-Alien ou The Thing.
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