Dans un très bel écrin, celui d’un film d’une beauté esthétique et plastique très belle, une atmosphère très Carpenter, avec une banlieue américaine aux briques rouges sur les maisons et au caractère délétère, se trouve enfermer un cœur battant mêlant horreur insidieuse, mélancolique, silence plein de sens, terreur enfantine et pourtant terriblement adulte. Narrant l’histoire d’une sorte de MST prenant la forme d’une malédiction purement surnaturelle, avec un boogyman digne d’entrer au panthéon, efficace et original, It Follows s’émancipe de ses ainés qui l’ont inspirés pour nous livrer un récit proche de ses personnages et de leurs aspirations somme toute les plus simples, survivre, au méchant qui les traque, à la vie, à la banlieue, à cette Amérique qui n’a plus de sens à leurs yeux. Ne s’appesantissant jamais, ne délivrant que des mots clés, des messages cachés, furtifs, le réalisateur s’attache à dépeindre une atmosphère en forme de cocon, la terreur demeure en suspend même si par des moments incroyable elle vient briser le cocon et s’insinuer à l’intérieur rendant cette impression de frayeur d’autant plus palpable parce qu’elle s’est niché à l’intérieur même du foyer protecteur.

Prenant son temps, David Robert Mitchell ne délivre pas tout de suite les clés, en fait, il les distribue comme des cartes au fur et à mesure des bobines. Conscient que le public est habitué au film de genre il ne cherche pas à s’ancrer dans des codes bien qu’il sait y appartenir de toute façon. Sa mise en scène vaporeuse, maîtrisée et délicate donne une image d’une fleur s’ouvrant au fur et à mesure, farouche elle ne se laisse pas facilement approcher, pour autant cette fleur s’avère rapidement carnivore, car It Follows ne nous veut pas du bien et nous le fait assez rapidement savoir. L’atmosphère douce bien qu’amère devient de plus en plus malaisante au fur et à mesure que le film avance et qu’on en sait plus sur le mal qui traque l’héroïne. Plus on en sait, plus l’on se sent mal à l’aise et la terreur classique se transforme en quelque chose de malsain. Il devient difficile de supporter les visions d’horreur que subit l’héroïne qui s’attache pourtant à survivre, attrapant n’importe quel moyen à bout de bras, s’y accrochant fermement.

Ce qu’on en retire, en dehors de la certitude qu’on vient d’assister à quelque chose d’assez peu commun, un film onirique et bien foutu, avec une vraie horreur comme on n’en avait plus vu depuis des années, c’est des questions, et une incertitude. Il est clair que rien n’a été laissé au hasard, ce n’est pas une énième bobine horrifique. Il n’y a au fond que très peu d’effet « bouh » à la mode. A des années lumières des Insidious et compagnie, It Follows se veut plus profond mais aussi différent. Et ce qu’on en retire c’est une impression, peut-être un message laissé en suspend, sur notre société et sa jeunesse, sur l’héritage que nous laissons derrière nous.

Créée

le 6 févr. 2015

Critique lue 276 fois

6 j'aime

Sophia

Écrit par

Critique lue 276 fois

6

D'autres avis sur It Follows

It Follows
Kogepan
8

Miii ._. (ou : les aventures d'une souris devant un film d'horreur)

Je ne regarde pas beaucoup de films d'horreur. J'ai les bases, j'aime bien occasionnellement me poser devant un bon gros film terrifiant avec une bière, un coussin (très important, le coussin) et mon...

le 11 févr. 2015

137 j'aime

9

It Follows
Sergent_Pepper
7

Suivre et survivre

C’est sur un éblouissement propre à séduire le cinéphile peu connaisseur du genre que s’ouvre It Follows : une superbe leçon de mise en scène. Le plan séquence initial, tout en lenteur circulaire,...

le 15 juin 2015

119 j'aime

11

It Follows
Velvetman
8

Only monster forgives

Où sommes-nous ? Ce bruit assourdissant, dissonant, qui nous parvient à la vue de ce quartier pavillonnaire tout droit sorti de Blue Velvet ou Donnie Darko. Une jeune adolescente peu vêtue sort de...

le 5 févr. 2015

117 j'aime

8

Du même critique

Le Locataire
Sophia
8

Aux portes de la folie

Polansky distille à merveille l'étrange, le dérangeant, l'inhabituel dans ce film aux portes du fantastique et de la folie. Trelkovsky est un jeune homme timide, effacé, poli mais maléable qui après...

le 14 janv. 2011

25 j'aime

Sailor & Lula
Sophia
9

Critique de Sailor & Lula par Sophia

Etant une grande fan de David Lynch ça fait longtemps que je voulais regarder ce film. Il y a deux ans, dans un libraire qui faisait aussi tabac et bar en Bretagne, je remarque ces coffrets qui sont...

le 18 nov. 2010

24 j'aime

5

Eyes Wide Shut
Sophia
10

Critique de Eyes Wide Shut par Sophia

C'est curieux, mais Eyes Wide Shut est mon film préféré de Kubrick. Je sais que beaucoup dénigrent ce film, il faut dire qu'il est vraiment différent des autres films de Kubrick. Dépouillé un peu de...

le 5 janv. 2011

21 j'aime

2