Quand on va voir n'importe quelle "petite pépite indé" comme It Follows, multi-récompensé dans les plus grands festivals du monde, on sait que l'on a affaire soit à un très bon film, soit à une grosse arnaque. En l'occurrence on nage pendant cent minutes dans un flagrant délit d'un foutage de gueule intégral le plus total. Et n'allez surtout pas croire au discours empreint de modestie du jeune David Robert Mitchell : de modestie dans le film il n'y en a tout simplement pas. Comme il n'y en avait pas dans celui de Jonathan Glazer, sorti l'été dernier, qui déjà mettais en exergue la sexualité et la mort d'une manière parfaitement douteuse.

La modestie donc, cet ultime rempart qui vous classe directement, si vous ne l'avez pas, dans la catégorie des "jeunes cinéastes prétentieux", encore appelée "Académie Dolan" (au moins lui a-t-il l'honnêteté de jouer franc jeux), et dont s'est dotée une batterie de jeunes réalisateurs pour justement éviter ce genre d'archivage. Une qualité qui, si elle peut être feinte en interview ou dans la vie de tous les jours, se désagrège malheureusement de manière systématique dans chaque réalisation de l'âme, pour peu qu'elle se croit faite d'un autre bois. On se souvient par exemple de Vincent, le boulanger parisien expatrié à New-York qui prêchait la simplicité de la baguette à la française mais ne faisait que dans le Michel-Ange ou le Donatello, trouvant dans la mollesse de la brioche le matériau idéal à la petitesse de son dessein ("Trop dur la pierre", avait-il coutume de dire). Aussi nous avons actuellement dans le cinéma américain une jeune génération de réalisateurs, allant de 30 à 45 ans, biberonnés à Lynch et directement influencés par ce nouveau genre de cinéma que pratique Nicolas Winding Refn.

Alors voilà, le pitch est simple (des ados ricain se refilent le mal en couchant les uns avec les autres), mais la mise en scène, le ton et le propos, sont eux tous ce qu'il y a de plus prétentieux. Il faut comprendre que des gars comme Mitchell ou Glazer ont compris des choses que nous ne percevons même pas, le sens de la vie, le chaos, la substance de l'âme, tout ça, et qu'ils vont donc nous expliquer sur fond de musique électronique. Et grâce au cinéma de genre, évidemment. Quoique de mieux pour habiller son propos et balancer comme un incontinent des caisses foireuses dans son falzar, une cargaison entière de métaphores à la mords-moi-le-nœud? Y'a rien, et c'est précisément pour ça que le cinéma de genre, ben c'est vachement bien.

Mais y-a-t-il pire angle d'attaque que le film d'horreur pour traiter de la sexualité des adolescents? Le film de kung-fu, à la rigueur, quoique je demande à voir. Le film de guerre aussi, hmm... Non il n'y a pas pire que le film d'horreur. A moins qu'il ne soit parodique auquel cas c'est le jackpot. Le genre n'a d'ailleurs peut-être été inventé que pour ça, pour parler de cul, mais toujours à condition de ne pas se prendre au sérieux. Et le début du film en prend le chemin, lorsque déboule dans le champ et en petite tenue, une nana effrayée à la course avec le mal. Ça fleure bon la déconstruction du genre à la Scream, on se dit qu'on va peut-être s'éclater. Cool. Et puis le film avance et les choses se gâtent. A l'image de cette mise en scène trop facile et totalement impersonnelle qui ne trouve ça force que dans l'emploi outrancier de la musique pompière du frenchie Disasterpeace, à l'image de cette scène hallucinante de mauvais goût lorsque Jay se coiffe et se maquille au ralenti pendant que ce gros pervers de Robert ait mumuse avec le zoom... Ou bien cette séquence dans la piscine où on prie pour qu'il se passe enfin quelque chose et l'orage qui gronde dehors coupe le jus et avec lui les velléités de notre bande d'ados autonome, et qu'on se fade à la place une conclusion en forme de complexe d’œdipe... Et que dire de cette morale puritaine nauséabonde que le film aurait du combattre et qu'il porte au contraire aux nues? Toute jolie et sexy que tu sois, repousse les coups d'un soir, case toi avec ton puceau de meilleur ami, ça vaudra mieux pour toi : les autres mecs sont ou des crevards ou des queutards et en plus ils vivent encore chez leur mère! Un film de notre époque jusqu'au bout des doigts, de l'interprétation à la mise en scène, en passant par la musique, et dont le succès critique n'est qu'un dramatique constat du faible niveau actuel du cinéma mondial.
blig
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le 8 févr. 2015

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