La décennie 80 a été le lieu d’invention de styles de cinémas aujourd’hui élevés au rang de cultes par toute une génération de cinéastes. Que ce soit les buddy movies de Stallone et consort ou les slashers movies, dont les prémices peuvent se faire sentir dés 1978 avec le désormais classique du genre Halloween de Rob Zombie, les années 80 ont été une source quasi inépuisable de création pour beaucoup de sagas de films d’horreur ; Encore en production aujourd’hui et s’adressant à une communauté de néophytes appréciateurs de ce genre, on note depuis quelques années, et depuis le succès de la saga des Saw, un retour de l’intérêt du public pour ces films trop souvent attaquée par la critique. Néanmoins, les années 2000 ont instauré une nouvelle manière de filmer l’horreur en privilégiant le gore à une terreur qui restait alors très suggérée dans ces slasher movie qui nous sont chers. Ainsi, si les premiers Chucky, Freddy, ou encore Vendredi 13 restaient très soft dans leur façon de montrer l’horreur, il est à noter que leurs abondantes suites les ont enfermés dans un sous-genre de ce qu’ils étaient au départ. C’est ici le principal reproche, de taille, que l’on peut faire au cinéma d’horreur aujourd’hui : tout montrer, tomber (trop ?) souvent dans le ridicule et faire un grand doigt d’honneur à ses origines afin de plaire au plus grand nombre.
Pourtant, dans notre décennie 2010, on observe un retour aux sources de ce cinéma. Ovni dans ce melting pot de suites et reboot en tout genre, It Follows s’impose tout de suite comme une bouffée d’air frais non négligeable dans cet horizon cinématographique irrespirable. Ne bénéficiant pas de têtes d’affiches ou d’un réalisateur connu du grand public, le film arrive pourtant à créer un renouveau du genre en s’appropriant les codes des slasher movies, principalement celui de l’héroïne poursuivie par un tueur tout le long du film, en lui ajoutant une dose de modernité précieuse : on ne trouve que deux scènes où le sang est présent, dont une se trouve au début du film et sert d’introduction. Pourtant le défaut que l’on peut trouver à cet usage de codes connus est le manque de surprise du film. Là encore on est déroutés, car même si on ne sursaute pas de bout en large, on est happés par l’atmosphère qui se dégage du film. Cette atmosphère est sublimée et appuyée par la bande originale du film. Aussi entêtante que le thème musical d’Halloween, la musique revient aussi souvent que ce It qui poursuit l’héroïne tout au long du film et c’est soudain toute notre personne qui subit le stress de cette infernale poursuite avec l’héroïne.
Rajoutons également que quand beaucoup de films du genre tentent tant bien que mal de laisser un message, qu’il soit moral ou non, perdu au sein de leur histoire et tout au long du film, It Follows garde le sien tout le long et la métaphore presque simpliste des MST sur laquelle repose le film, ce qui suit l’héroïne tout le long du film est quelque chose qui peu prendre la forme de n’importe qui, n’est jamais nommé, et se transmet sexuellement uniquement, n’en est pas moins forte. Mais malgré ce message grossier presque superficiel, le film se munit s’un symbolisme très présent comme si la personnification des dangers liés au sexe n’était pas suffisante. Un de ces symboles qui ressort le plus souvent est celui du complexe d’Œdipe (scène où le It est sous la forme de la mère d’un des protagonistes), et plus généralement celui de la mère en général et du caractère très intime qu’on peut avoir avec elle dés notre naissance. Ainsi, la présence de l’eau saute aux yeux pendant tout le film et atteint son paroxysme dans la scène de confrontation finale avec un retour dans le cocon protecteur du ventre de la mère. Ce n’est alors plus un film sur les dangers du sexe mais un film sur l’erreur de vouloir grandir trop vite.
Ce symbolisme est mis en scène de manière très sobre et c’est même tout le film qui jouit de cette sobriété. Jamais dans l’excès de confiance, accompagné d’une BO toujours utilisée au moment opportun, le réalisateur met en scène de manière exemplaire. En est témoin la scène d’introduction. A l’instar d’un The Raid 2 qui, en plus d’être un des meilleurs films d’action de cette décennie, si ce n’est le meilleur, adoptait un style très visuel avec une composition de l’image qui sublimait chaque plan, It Follows ne se complait pas dans son histoire et le réalisateur travaille chaque plan et chaque mouvement de caméra. Ainsi, ce qui pourrait passer pour caricatural arrive à surprendre comme avec une scène oppressante où une porte s’ouvre sur une des protagonistes.
En conclusion, It Follows gagne à être vu et est un des films de genre les plus intéressant vu en salle ces dernières années. Grâce à un subtil mélange des codes connus, et d’une modernité cinématographique utilisée à bon escient et en complément, le film peut se vanter d’avoir su trouver sa propre identité et de renouveler un genre qui tournait en rond depuis trop longtemps. Bravo.